Somport-Aragon -4- de Uendes à Puente la Reina (Navarre)

Rappel : il s’agit des réflexions écrites au jour le jour, sur Facebook.
– Les commentaires des friends n’ont pas été repris… mais on peut pressentir leur influence, au fur et à mesure des journées. Merci.


– Somport-Aragon (Jour 14)

De Uendes à Yesa

Pas mécontent de quitter l’albergue peu pratique et glaciale de Undués de Lerda.
– Suis très fatigué. Empreinte de la douloureuse descente d’hier, sans doute. Heureusement, la route descend en pente douce jusqu’à Javier.
➡ Javier-Xavier : le village et le château de François-Xavier, l’ami d’Ignace de Loyola et co-fondateur des jésuites… un de ces grands bonhommes qui n’avaient peur de rien, parti en Extrême-Orient inconnu au XVIème Siècle où il a terminé sa vie.
– Vais faire tamponner la crédentiale au Centre Spirituel des jésuites, avant de m’offrir un super desayuno à l’hôtel, en face du château. Ai rejoint Hélène, la seniora française qui était à Undués avec moi et la jeune mexicaine.
➡Le site est impressionnant. Nous visitons le château ensemble. Je le bombarde de photos dans tous les sens, à l’intérieur et l’extérieur. ?
– Puis l’après-midi, je prends un long temps à lire l’histoire de François-Xavier (que je ne connaissais pas), celle des jésuites au Japon et en Chine, des querelles des rites chinois, l’histoire de la suppression de la Compagnie un peu trop envahissante au XVIIIème Siècle, etc.
Les jéz ont été des savants insupportables et libres, des aventuriers, toujours sur les frontières (j’adore !), critiqués par tout le monde, jusqu’à leur suppression, puis leur rétablissement au XIXème où ils ont dû s’aligner, se conformer et où ils ont un peu perdu leur âme.
… qu’ils ont retrouvée dans les années 60, comme vecteurs de la théologie de la libération et promoteurs de justice sociale et politique, notamment dans des dictatures (et à nouveau vilipendés, voire assassinés : insupportables, ai-je écrit ! ?).
———- sans oublier Teilhard, bien entendu ———-
➡ Il est tard. Je décide d’aller rejoindre Hélène à Yesa. Un orage éclate. Pendant 3/4 d’heure, je marche sous une pluie battante ? avec des éclairs ⚡ au-dessus de la tête… Pas très rassurant !
▶ DEVINETTE : quel est le chemin le plus rapide d’un point à un autre ?
– J’arrive trempé à Yesa, mais la pèlerine a bien joué son rôle : rien de mouillé dans le sac. Suis seulement inquiet pour l’électronique de la prothèse… mais elle a résisté.
Hélène et L’hôtesse de l’auberge sont aux petits soins pour moi : c’est chouette d’être cocooné. Nous sommes seuls dans le gîte.
– Un gros bocadillo, spécialité de Yesa, et dodo.
⚠ À NOTER que l’albergue de Yesa est très bien. Neuve, confortable. Les douches accessibles aux handicapés, etc. Il y a même un système de rampe électrique avec fauteuil, pour permettre aux handicapés de grimper à l’étage. Première fois que je vois ça sur le Camino.
– Dommage que très peu de peregrinas et peregrinos passent par ici. J’en fais la pub.
➡ Demain, petit souci : ai décidé de suivre les recommandations de Mahdi, mais je ne sais pas où je vais dormir. « Carpe diem »… Pourquoi pas dehors ?


Somport-Aragon (Jour 15)

Yesa-Lumbier et Pamplona

Drôle de journée.
D’abord, une pub pour l’albergue de Yesa. Très bien.
Après le desayuno, on se sépare : Hélène, la française avec qui je me retrouve depuis 2 jours, grimpe vers un monastère.
➡ Le ciel est couvert. Je marche le long de la nationale, parallèle à l’autoroute.
– Malaise en marchant ? Perds conscience et m’étale à gauche de la route. Sucre et boisson. Par bonheur, suis tout près de Liédena. Pas perçu que j’ai franchi 6 km sans pause…
Resto pas loin. Pinchos et tasse de thé ☕. Soupçonne le café du matin du malaise… Pas la première fois. Suis allergique au café !
– Mais je suis aussi très très fatigué…
➡Décide d’aller voir la « Foz de Lumbier », recommandée par Mahdi, puis de filer à Pampelune me reposer une journée.
Soleil magnifique revenu. La Foz de Lumbier est un canyon impressionnant, dans lequel a circulé un train autrefois. Elle est accessible à travers 2 tunnels… Hououou ! Les âmes sensibles, s’abstenir ! ?
– Mon plus grand émerveillement est celui d’immenses oiseaux (en fait des vautours) qui planent dans le canyon.
Mérite le détour (2✴ sur le guide Michelin)
– À la sortie du canyon, on peut faire tamponner sa crédentiale.
À Lumbier, très beau village, je prends le bus pour Pamplona. Du bol : le gîte où je suis a une salle de bains handicapé.
➡ Soir : vais m’offrir un excellent repas dans un bon resto. Salade de crudités, chèvre chaud et fruits, avec une sauce excellente, canard à l’orange et fromage fondu, fondant au chocolat.


Somport-Aragon (Jour 16)

Pampelune-Monreal

Matinée de repos et de balade dans Pampelune. Vraiment une jolie ville, mais…
… J’étouffe dans la ville, ?
Et je m’y meurs d’ennui,
Car tout me semble gris,
Les murs me sont hostiles,
Les toits cachent le Soleil ! ?
Ah, rendez-moi mon ciel !…
——- Sérieusement, quand je suis descendu du bus à Monreal, une bouffée de liberté et d’air pur m’a enveloppé. Retour au Camino…
➡ De plus, à l’albergue de Monreal, il y a des italiennes et des italiens…
❇ Et les italiennes et italiens, ce sont des rires, de la bonne humeur, l’accent chantant, la Commedia del Arte, le bel canto, le Soleil, des sourires et des visages illuminés (quand elles et ils s’adressent à nous) ! C’est presque systématique ! ?
– Pas mal de bruit, aussi. Il y a des allemands dans le gîte, et on ne les entend pas ! ?
[À NE PAS LIRE : je maintiens la thèse selon laquelle les italien(ne)s sont des françai(se)s de bonne humeur ; et les françai(se)s, des italien(ne)s de mauvaise humeur. ÇA Y EST, VOUS POUVEZ LIRE]
– Excellent et très très abondant repas le soir, tous ensemble.

Cathédrale de Pampelune

 

Compostelle (Chemin des étoiles) – Somport-Aragon (17one)
de Monreal à Tiebas

Aventure étrange… ? ce jour !
Alors que je cheminai (noter le passé simple de narration !), je vis de mystérieuses figures géométriques dans les prairies…
——-
Mon sang ne fit pas 3 tours, ni 2 tours… Mais mon sang ne fit qu’un tour ? : des « agroglyphes » (crops circles, in globish)
——- Voir définition dans Wikipédia ——
Seraient-ce des signes envoyés par des extra-terrestres pour qu’alors, je ne sus quel message (de paix ou de menace) ou pour une invasion future ? ?
? Il paraît que le rapport de la circonférence d’un crop circulaire sur un segment de droite reliant 2 points du crop qui passe par son centre, donne le nombre Pi. Preuve d’une intelligence supérieure (et peut-être menaçante !)… !
– Effectivement, j’ai regardé le ciel : une soucoupe volante dans les nuages ! Ou une lentille gravito-quantique installée par des êtres cosmiques ! Alerte, alerte !

——-
Alors, j’observai autour de moi s’il n’y eût pas des aliens cachés, déjà maintenant ?
——-
Peut-être bien ? Voyez vous-même…
Qu’allons-nous devenir ?

Somport-Aragon (17bis)
? Très très surpris que mon CANULAR d’hier ait été pris au SÉRIEUX (au premier degré).
Me suis bien amusé des réactions !
– Et pourtant, écrit Kierkegaard, l’humour est le meilleur passage du moralisme à la spiritualité.
? Bref, non non, je n’ai pas vu d’extra-terrestres hier ! Ni de soucoupe volante ! (ou pas encore !) ?
➡Chemin entre Monreal et Tiebas très joli.
Chemins de terre au milieu des arbres, le long d’une rivière, au début. Un peu de gadoue…
Le sentier traverse aussi des prairies, mais les traces dans les champs ne sont pas des agroglyphes ! ?
– À partir de Yarnoz, le chemin grimpe un chouia à devers sur la montagne, et on fait des yoyos dans des petits vallons couverts de buis et de genêts.
C’est très sympa.
4 petits villages contournés avec des églises typiques du coin.
➡Je marche à la manière du sous-préfet de Daudet : je m’assieds au milieu des fleurs, essaie de photographier des papillons, j’écoute les oiseaux, je croise un serpent, me fais emmerder par les moucherons, piquer par des ronces… Des fourmis sont même allées visiter l’intérieur de ma prothèse.
? Bon, les fleurs, je sais : les dames vont me dire : « ah, ça c’est une marguerette, un bouton de platine, un oeil-de-lynx, une oreille-de-loup ou un iris de Crète… » ou je ne sais ! Pour moi, ce sont des fleurs. J’en ai sélectionnées quelques-unes pour vous.
– Seul souci : le bruit de fond de l’autoroute là-bas au loin… et un groupe de français, vu dans un village, qui marchent sans sac à dos, avec une voiture accompagnatrice (pourquoi pas ?) et qui rouspétent parce que ça monte et ça descend tout le temps ! ?
➡ Près de Tiebas, le chemin n’est pas aménagé. On doit presque se coucher pour passer sous des arbres en travers ! Heureusement que les français précédents ont repris leur voiture…
– On traverse aussi une route à camions !
➡ Gîte de Tiebas petit et accueillant. Je retrouve Hélène (décidément elle ne veut pas me quitter), un italien, Flavio, et un espagnol, Pedro. Nous allons manger tous les quatre un « plato combinado » (pèlerins, vous connaissez ?)… et vite dodo ! Il pleut dehors.
——- et surtout pas d’aliens dans les coins ! ???
? Ah si. Un détail : suis complètement HS. Il est temps d’arriver à Puente la Reina…


Somport-Aragon (Jour 18)

De Tiebas à Puente-la-Reina

Dernier jour de marche sur le Camino Aragonès aujourd’hui. 18 km de Tiebas à Puente la Reina. C’est beaucoup… d’autant plus que je quitte l’albergue vers 9h30. Habituellement, à 2 km/h de moyenne, il faut compter 9h de marche.
– Mais en fait, cette dernière étape est facile.
➡Il pleut ? Pas gênant, j’aime bien marcher sous la pluie, quand elle n’est pas forte. Les 3 premiers kilomètres, un large chemin longe l’autoroute.
Puis, ouf, on s’éloigne par des petites routes tranquilles.
– La pluie s’arrête, mais le ciel reste couvert et l’atmosphère fraîche : idéal pour la marche. J’avance plus vite que prévu.
➡Avant Olcoz, ça grimpe un peu… puis le sentier s’engage sur une ligne de crêtes (on peut y demeurer, en fait, car je marche en haut au milieu des oliviers, alors que le chemin descend sur le côté). La vue est magnifique des deux côtés… L’Alto del Perdon ? reste dans les nuages. On voit Pampelune au loin…
– Précision : très jolis villages traversés ou contournés…
– Le reste de l’étape se passe sur de larges chemins caillouteux ou goudronnés.
– Pendant 1/2 heure, un belge marche avec moi. Il a trouvé le Chemin d’Arles et le Camino Aragonès difficiles.
– À Éneriz, mauvaise surprise : le seul bar est fermé.
➡ EUNATE : émotion perso de revoir cette magnifique église perdue dans la campagne…
mais aussi de retrouver le chemin où je suis passé il y a 3 ans. Difficile de retenir les larmes !
Le Soleil ? tape fort maintenant…
➡ J’arrive à Puente la Reina à 16h30. 7h de marche seulement ! Le gîte des padres reparadores de 100 places est plein à craquer ! Bienvenue sur le Camino Francés !!!
– Heureusement, Hélène m’a réservé une place.
Comme toujours sur le Camino Francés, acrobaties dangereuses pour la douche… concurrence pour les prises de courant (compliqué pour recharger la prothèse)…
– On se retrouve, les 3 compères d’hier (Flavio, Pedro, Hélène) et moi pour une bonne soirée ensemble ??: de plus, nous redécouvrons cette belle animation des fins de journée espagnole, qui manquait sur le Camino Aragonès.
➡ J’avais songé retourner à Pampelune en 2 étapes, via L’Alto del Perdon : mais la fatigue, l’état du moignon (hématome douloureux) et surtout la foule m’en ont dissuadé. Tant pis.


Somport-Aragon (Jour 19)

C’est fini (Retour Pampelune)

➡ Retour par le bus jusqu’à Pamplona.
J’avais envisagé de retourner à pied, via El Alto del Perdon, afin de revoir des lieux franchis autrefois… (notamment le lieu où j’avais dormi dehors, le gîte de Zabalnika et le sommet de l’Alto, avec ses sculptures et les éoliennes).
Mais sans doute, la fatigue s’ajoute à la météo exécrable. À Pamplona, il tombe des trombes d’eau sous les éclairs ⚡ et le tonnerre jusqu’en début d’après midi. Pauvres marcheurs !
L’auberge où je songeais dormir est déjà complète à midi. Je me résouds à aller dormir à Jesus-Maria, le grand gîte de 200 places. Il y a déjà la queue.??????
– La salle de bains réservée pour les handicapés est squattée par un jeune pèlerin qui la laisse dans un état déplorable : tout mouillé, lavabo dégueulasse, papier cul par terre… Il n’est que 13h ! Je nettoie ce que je peux.
➡ Suis impressionné par le nombre de jeunes qui s’engagent sur le Camino Francés.
… L’ambiance est très différente de l’esprit et du calme du Camino Aragonès.
– Depuis que je pratique les Chemins de Compostelle (plus de 2500 km maintenant), je me suis aguerri. Grande paix sereine, amusé plus que agacé, mais aussi perte de cet émerveillement naïf… qui me laissait souvent étonné.
? Sentiment de solitude aussi : non pas solitude affective (avec vous tous, mes amis de Facebook, ou les peregrinas, peregrinos, hôtes divers…), mais plutôt existentielle : impression d’être un étranger sur cette planète et de ne plus comprendre grand chose… Ce n’est pas négatif, loin de là : simplement l’apprentissage de la confiance (parce qu’on est dans la nuit) et de l’acceptation de la vie, en priorité comme un don.
… et non comme un dû ou une dette !
➡ Le soir, je parcours les rues de Pampelune extrêmement vivantes… Le bonheur espagnol d’après 18h, surtout un soir de finale des Clubs Champions ⚽, avec le Real Madrid qui va massacrer la pauvre équipe de Liverpool ! Ça chante, ça crie, ça rigole, ça chahute, ça tchatche partout…
même lorsque l’orage éclate à nouveau…
– La vie continue.


Eunate

 

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