Somport-Aragon -3- de Jaca à Uendes (Aragon)

Retour 2 : de Borce à Jaca (Aragon)

Rappel : il s’agit des réflexions écrites au jour le jour, sur Facebook.
– Les commentaires des friends n’ont pas été repris… mais on peut pressentir leur influence, au fur et à mesure des journées. Merci.

Somport-Aragon (Jour 9)

De Jaca à Santa Cilia de Jaca

? Caricature des aragonais : austères… Pas de holà, pas de sourire, regard sombre et profond. Waouh le cliché ! Mais c’est ce que je vois, ici à Jaca. ? Même au printemps, les ibères sont rudes… (Pas de moi, mais de Goscinny…)
Jaca donc. Desayuno (tidéj) complet à 2€ dans une pasteleria ! Ah, ça fait plaisir ! Ce n’est pas le ridicule petit thé dans un verre, payé 3€, à Etsaut…
– Je suis perdu dans la ville. Une dame m’explique le chemin : belle surprise, je comprends à moitié l’espagnol. Elle se propose même de m’emmener en voiture à la sortie de Jaca… Je refuse.
➡ Sortie et route pénible après Jaca. On longe la nationale vers Pampelune. Il y a même un MacDo ! J’aurais dû accepter la proposition de la dame.
– Enfin une pause au bord de la rivière Gas ! Discussion et partage gâteau avec un allemand ( en globish naturly).
? Les Pyrénées sont maintenant au Soleil, après la météo glaciale de ces derniers jours. Elles me narguent ! On dirait que depuis la chute et la mort de notre frère, tout près d’ici au Pic d’Arrens, elles refusent que j’aille faire le guignol sur ses sommets ou ses cols.
Et pourtant je grimpe souvent en Chartreuse ou en Vercors à plus de 1500 m !
– La circulation des voitures est stressante. Je décide d’écouter Schubert ? : quatuors à cordes. Joie, larmes, colère, tendresse, suspension du temps, vertige, silence… Il y a tout dans la musique de Schubert.
… sauf le bruit des moteurs !
➡ Longue arrivée vers Santa Cilia de Jaca. Fatigué. Je pratique la prière hésychaste des moines du Mont Athos. Efficacité redoutable : le calme intérieur remonte immédiatement.
➡ L’hôtesse de l’auberge municipale, une espagnole d’Alicante, est hyper sympa. Je me trouve avec 1 japonais, 2 espagnols et 1 jeune slovaque très bavard et très agréable. Belles conversations et des rires.
Pas de wifi, ici…


Somport-Aragon (Jour 10)

De Santa Cilia à Arrès

Ce matin, à Santa Cilia de Jaca, je prends le petit déjeuner avec le jeune slovaque, « François » version slave. Je n’arrive pas à le suivre dans son globish…
➡ Grosse lassitude. 6 km le long de la route nationale toute droite. La monotonie engendre de la désolation… Pas d’inquiétude, cela est connu.
? ET PUIS, la MAGIE du CAMINO : le sentier descend dans une grande forêt. On se sent revivifié. Je marche très doucement : le bonheur de l’instant. Le sentier longe un véritable « village » de cairns : jamais vu sur le Camino !
Puis voilà le Rio Aragon. Le jeune slovaque me rattrape. Photos. Ensuite il part…
Long arrêt sur le bord du fleuve… Je passerai des heures à regarder l’eau couler. C’est mon côté « Héraclite » !
➡Une petite route et un beau chemin montagnard grimpe vers Arrès.
? Et là, émerveillement : le village ancien d’Arrés dans le silence de la montagne ! Le Soleil ? est là en plus. On tombe en arrêt (devant Arrés : fastoche, le calembour !)
– L’auberge est un donativo. Luis et Gio offre le meilleur accueil, avec celui de la Tour à Eysus, depuis le départ. Retrouve Francisco le slovaque, le japonais, une jeune allemande, un brésilien. Dès mon arrivée vers 14h, nos hôtes nous servent un repas consistant.
– Plus tard, nous rejoint Christian, de Nice : le monde est petit. Il connaît une de mes compagnes (qui se reconnaîtra ! ?) du Camino Francés..
– Le soir, nouveau repas : soupe épaisse de légumes (on se ressert !), charcuteries, salade et fruits…
? On parle de mon livre ! Ce n’est pas de la pub ! C’est venu tout seul.
➡ Tous les marcheurs du Camino le savent : la fatigue et la lassitude sont presque toujours suivis par des moments sublimes.
… De plus, je n’ai jamais plus connu d’état dépressif depuis le Camino (j’écris cela pour celles et ceux qui n’ont pas encore fait le Chemin, et qui pourraient avoir ce penchant). Rares petits blues parfois, liés à une frustration d’ego… mais rien de grave. Et surtout cette paix intime et vivante qui semble remonter du fond de l’Océan…
– NOTE aussi pour les futurs amputés tentés par le Camino : je contrôle très bien les petites plaies et douleurs du moignon. Je leur expliquerai mes trucs et astuces. 2500 km sur le Camino, cela commence à faire de l’expérience ! ?
MILLE EXCUSES pour ces mini recommandations moralisantes…


Somport-Aragon (Jour 11)

D’Arrès à Artedia

Aujourd’hui, sans doute la plus belle journée, côté marche et paysages, depuis le départ de Pau.
➡ Arrés : nous prenons le petit déjeuner tous ensemble, puis quelques photos et nous nous séparons. Nous ne nous reverrons plus.
– Après la magnifique et acrobatique descente depuis Arrés, le Camino continue sur des chemins très bien aménagés, entre petites parcelles agricoles, terres d’élevage et surtout nature sauvage. Les paysages sont sublimes. Ils rappellent la Drôme provençale, en moins accidenté.
On a envie de chanter tout le temps.
? Pourquoi ai-je toujours préféré les paysages pastoraux aux paysages agricoles ? Sans doute mon âme se sent-elle mieux dans le nomadisme que dans la vie sédentaire et propriétaire.
– Mais ici, les trois se conjuguent : pâturages, petite agriculture de montagne au sein d’une vaste nature libre… Quel bonheur. On a l’esprit lumineux.
– Je décide de faire un crochet par le village de Martés : village presque mort, sauf quelques ânes.
Le chemin traverse plusieurs torrents calmes, des collines aux reliefs tourmentés et sablonneux. Parfois du granite… mais je ne suis pas sûr.
➡ Nouveau crochet par le village perché de Mianos. Vue sur les vallées et ruelles typiques du pays.
– L’orage gronde ⚡. Il y a une petite route goudronnée, à flanc de montagne, qui va à Artegia, mon objectif. Pas une seule voiture ! C’est génial.
Quelques gouttes de pluie tombent, mais je reste pieds nus dans les sandales, en short et chemise courte.
…. Ah, à propos, les sandales sont en train de lâcher. Une sangle est sur le point de craquer….
➡ Arrivée au village d’Artiedia vers 16h. 19 km et 8 heures de marche, compte tenu de mes crochets.
– L’auberge est très belle et l’accueil très chaleureux, presque intimidé. On me donne un dortoir de 4 places vide. Il n’y a que 3 peregrinos : 2 anglais et moi-même. Aseos faciles d’accès.
– Je rappelle que pour un unijambiste, les douches ne sont pas toujours accessibles !
– Un bocadillo, une cerveza, de l’écriture, de la lecture et hop ! Dodo ! Et plein de lumière dans la tête, les sens et l’organisme.

 

 

 


Somport-Aragon (Jour 12)

D’Artedia à Ruesta

Encore une JOURNÉE EXCEPTIONNELLE, petit concentré de Camino.
—- Quitte Artedia vers 10h, après desayuno avec les anglais.
➡ Météo splendide. Ciel bleu bleu bleu.
Immobilité majestueuse de la montagne seulement troublée par les chants d’oiseaux.
Cette stabilité qui fascinait tant le biologiste Jacques Monod (son hasard et sa nécessité).
Et pourtant, toutes ces apparences participent d’un immense flux, chacune à son échelle : flux cosmique et stellaire, flux géologique et bio-évolutif (perspectives que les anciens ne pouvaient pas deviner), flux de la vie et de l’Histoire… et de notre minuscule aventure (voir plutôt ici Michel Serres {Fin de ma pédanterie lépidosophique})…
….. sauf les trains ? en France ? …..
Je suis heureux et paisible d’être entraîné, petit tourbillon local, au sein de tous ces processus conjugués… chacun à leur rythme.
➡ Les paysages sont aussi beaux qu’hier. Le Camino suit une ancienne route goudronnée : quelle bonne idée ! On n’entend pas un moteur de voiture pendant des kilomètres…
… jusqu’à l’arrivée près du lac sur le Rio Aragon : sonorité automobile lointaine de l’autre côté, devenue bruit blanc recouvert par les chants d’oiseaux et les bruits de la végétation (craquements, écoulement d’une rivière, bruissements divers…)
– Le sentier grimpe dans la montagne.
⚠ Tombe sur un paquet de tabac tombé d’un sac. Je le ramasse et le fixe sur un cairn, en mettant en évidence les dégâts du cancer. Je n’aime pas faire la morale (certains le font très bien sur Facebook ?), mais là l’occasion est incontournable !
– Le chemin entre dans une forêt. Nouvel ensorcellement… J’adore marcher en forêt [« Eh ! Tu l’as déjà écrit ! » ?]
Dans les bois de chênes et d’arbustes du pays, on longe le Rio qu’on voit derrière les arbres.
➡ Pause sous un chêne qui ne vit pas en dehors des chemins forestiers… ?
– Le chemin continue dans les bois, passe à côté de l’Ermitage de San Juan Bautista, puis débouche sur un site fantomatique et impressionnant : l’ancienne cité médiévale de Ruesta ?. On est scotché !
➡ L’albergue au milieu des ruines a une qualité d’accueil pratique qu’on oublie parfois de signaler : vaste, confortable, propre, facile d’accès pour un handicapé… et finalement pas cher (26€) pour la demi-pension, compte-tenu du site exceptionnel.
Et puis une dizaine de peregrinos arrive : canadien, suisse, français, jeune allemande charmante, allemand grognon, espagnols (qui restent entre eux) : Ambiance joyeuse, alcoolisée même, très partageuse…
? Joie des rencontres ! Et un bon repas, attendu (horaires espagnols) et bien dense pour demain.


Somport-Aragon (Jour 13)

De Ruesta à Uendes

Dimanche de Pentecôte.
Aujourd’hui, mon objectif est Javier, le village de naissance du jésuite François Xavier.
➡ Nous prenons le petit déjeuner ensemble, avec les joyeux compagnons de la veille.
J’essaie de réparer ma sandale avec du fil et une aiguille. Or le suisse est chirurgien. Ça tombe bien : il m’aide avec ses yeux de lynx et ses mains de magicien.
– Je le félicite et il me répond, en rigolant : « dans ma clinique, ce sont mes assistantes qui font ce travail ! ». Bravo le machisme ! ?
➡ Dernières vues, en descendant quelques centaines de mètres, sur cette incroyable cité abandonnée de Ruesta et son auberge si accueillante.
ÉTAPE INDISPENSABLE aux futurs pèlerins !
– Puis longue montée tranquille et agréable de 7 km dans la forêt, sur un large chemin de terre. Moins dépaysé qu’hier. Cela ressemble à chez nous.
– Je préfère les montées aux descentes.
On arrive sur un joli plateau qui domine toute la région ouest.
➡ Malheureusement, la descente dans des cailloux, des pierres, puis une ancienne voie romaine, est casse-patte(s). Épuisante.
– Suis vanné ?. Je n’irai pas jusqu’à Javier aujourd’hui ! ?
Je m’arrête à Undués de Lerda, joli village peu peuplé. L’auberge est propre, confortable, il y a le wifi et la télé, mais il n’y a ni cuisine, ni eau chaude.
– Nous sommes 3 : une jeune mexicaine, une française et moi. Obligés d’aller au resto local où nous avons bien mangé…

 

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Suite (4) : de Uendes à Puente la Reina (Navarre)

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