🏕️ De mon balcon théologique : la méthode qui consiste à extraire une phrase d’un auteur pour appuyer une thèse ou énoncer une idée générale est un procédé imprudent, voire douteux et parfous exaspérant. Sauf cas particulier (*). C’est encore pire quand il s’agit de la Bible. Une citation est toujours écrite dans un contexte socio-politique, littéraire, sémantique et « systémique » (** – c’est mon dada 🐴).
- Prenons deux exemples tirés du procès de Jésus face à Pilate dans le quatrième évangile. Ce procès dans l’évangile de Jean est ESSENTIELLEMENT POLITIQUE, ce qui est moins sensible dans les autres évangiles.
(1) « Mon royaume n’est pas de ce monde-CI ». J’ajoute le démonstratif à dessein. Il est souvent oublié. Face à Pilate, Jésus explique que son royaume n’est pas celui des armées (romaines en l’occurrence) : versets suivants dans l’évangile de Jean, mais celui de la vérité. Non une vérité philosophique ou scientifique, mais une opposition au mensonge et une référence à la personne de Jésus. Pilate, formé sans doute aux philosophies grecques sophistes, n’a rien compris. Du reste, dans l’évangile de Jean, , il affirmera 3 fois l’innocence de Jésus.
🙄 Rien à voir avec l’idée d’un royaume au-delà, dans un espace imaginaire, spiritualo-céleste, coupé de notre réalité physique, politique et historique. Idée malheureusement trop souvent exposée qui relève plus de la gnose et du manichéisme que de la Bible.
(2) « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi, s’il ne t’avait été donné d’EN HAUT ». Et hop, on traduit que tout pouvoir vient de Dieu (ce qui n’est pas dans le contexte du procès), proposition qui a justifié nombre de théocraties et de cléricalismes… Or il s’agit ici du pouvoir de César, clairement explicité dans le récit. C’est d’ailleurs sur cette opposition à César que Jésus est condamné : la croix est un supplice romain. De plus, on sait que les grandes persécutions des chrétiens sous Dioclétien reposaient sur le refus des chrétiens de se soumettre à l’autorité religieuse de l’Empereur.
😶 En passant, on s’étonne que Jean essaie de déresponsabiliser Pilate qui ne serait qu’un vague délégué de César, alors que Flavius Josephe a écrit que Pilate était une grosse brute. De plus, celui qui l’a livré (Judas ? Caïphe ? Anne ?) a agi en conscience, ce qui est plus grave aux yeux de Jésus (via Jean). Bon on passera sur l’anti-judaïsme de Jean qui vise surtout le clergé de Jérusalem… ce qui serait trop long à développer sur Fesse de Bouc.
(*) Par exemple, si on travaille sur cet auteur, si on a envie d’illustrer une idée (sans vouloir la démontrer) ou d’écrire des aphorismes. Personnellement, je préfère travailler avec les outils de la logique (formelle, analytique, dialectique ou systémique) plutôt que de citer des auteurs, pour appuyer une thèse. Même si j’ai commis cette erreur autrefois…
(**) Systémique, c’est-à-dire global et complexe. Complexe ne signifie pas « compliqué », mais tissé de liens non dénouables.
… Après bien sûr, il n’est pas interdit d’interpréter les textes comme on veut (targums et midrashim), mais il importe de préciser quelle méthode on utilise ou dans quel genre littéraire, poétique ou musical on s’exprime. Une perception perso quoi, ou un ressenti ! Pas un concept ou une démonstration ! Je ne suis pas un ayatollah !




