Six mots hébreux pour dire le silence

6 mots en hébreu pour désigner le silence.

J’ai relu dernièrement le livre d’une intelligence et d’une profondeur vertigineuse d’André Neher : « L’exil de la parole », sous-titré « du silence biblique au silence d’Auschwitz ». Cela faisait longtemps, depuis mes lectures de Hans Jonas, que je n’avais lu un ouvrage aussi abyssal.

André Neher explique, dans un chapitre sur la sémantique, qu’il existe 6 mots différents en hébreu pour désigner le silence. Mille excuses, c’est beaucoup plus développé dans les lignes du livre. Il donne au « silence » un sens dialectique, deux par deux, avant ensuite de tisser une réflexion entre chaque duo. J’y ajoute mes petites gloses personnelles quand son explication est beaucoup plus subtile que la mienne.

L’hébreu est une langue concrète. Il n’y a pas ou très peu de grande et belle abstraction. Il colle au réel.

  • דמה (Damô), c’est le silence des choses inertes, le silence de la mort. Mais aussi le silence de la nuit, du Cosmos, le silence des pierres. Neher ajoute que Damô est aussi celui de ceux qui parlent creux, de ceux qui parlent de choses qu’ils ne connaissent pas : notamment celui des amis de Job qui parlent à la place de Dieu (Adonaï) et qui sont encore pire que le silence divin lui-même. Peut-être aussi le bavardage de ces commerciaux qui essaient de vendre leur vide (ça, Neher ne l’écrit pas !).
  • שתק (Shataq) Il s’agit du silence du calme qui suit la tempête. Beaucoup plus rare dans la Bible. On peut songer au cri « Tais-toi » de Jésus aux éléments déchaînés sur le Lac de Gennesareth (même si Neher, comme juif, ne le cite pas). C’est aussi le silence qui suit la colère ou le silence après la guerre : je pense par exemple à ce formidable film d’Eisenstein, avec la musique de Prokofiev, « Alexandre Nevski », quand la caméra survole le terrible champ de bataille sur la glace où gisent les guerriers morts… après le bruit des armes et des chevaux.

Voir aussi le film Titanic avec ses corps flottants après le naufrage.

Ces deux silences sont du domaine de l’inertie. Le sans vie.

  • חשה (Hashô), rare mais empli de signification, correspond au silence de l’artisan, de l’ouvrier qui n’a pas terminé son œuvre et qui se refuse d’en parler. Il est aussi le silence du laboureur qui sème sa graine et qui attend la future moisson. C’est encore celui du sportif qui reprend haleine.
  • הרש (Harash) , très proche du précédent, représente un peu le silence du « suspense ». Il va se passer quelque chose, il va y avoir une énigme qui se dénoue. Mais là, pour l’instant, les acteurs sont suspendus. Neher propose l’image du silence de l’orchestre, juste après le temps de l’accord des instruments entre eux, et juste avant les premières notes d’une symphonie. Le chef entre, applaudissements, puis silence… André Neher fait le rapprochement avec le chaos qui précède la création du monde par la Parole, dans le Livre de la Genèse.

Ces deux silences représentent plutôt ceux de l’énergie, ceux qui annoncent une création, quelque chose de nouveau.

  • Le cinquième silence, אלמ (Âlâm ou Ilâm) est celui de l’homme muet. Non muet de naissance, mais muet parce que volontairement il se tait. Il joue à être muet, ajoute Neher. Ceci lui permet de se cacher : « j’avance masqué », écrivait Descartes. Ici transparaît tout l’univers du théâtre et du spectacle : je joue avec ce que je sais et ce que je ne sais pas. Il y a un public. Comment l’acteur va-t-il le rencontrer ? Signe sans doute de la liberté de l’esprit et de sa créativité.
  • Le sixième silence est celui de l’attente et de l’espérance : חסהר פּנים (Hastër Panim). À la différence du chef d’orchestre qui, dans le silence qui précède la symphonie, sait ce qu’il va produire, ce silence de l’espérance est celui de l’écoute de l’autre, l’écoute de l’infini personnel : on ignore la réponse. Silence de la surprise, de l’étonnement, celui qui précède l’émerveillement face à l’autre sujet (ça, c’est moi qui interprète !). Le thème est central dans le Judaïsme : le Judaïsme ne se fonde pas sur une foi ou un savoir (« je crois » ou « je sais »), mais sur « Écoute Israël », le « Shema Israël ». Ici le plus important, c’est le rapport « Je-Tu ». J’écoute, j’attends non pas un son, une idée ou une musique, mais la parole de l’autre. L’Autre absolu est naturellement le divin, Dieu, Adonaï, avec qui la relation n’est pas philosophique, le « Je-On », ou le « Moi-Idée », mais elle est dans le « Je-Tu » : et chacun écoute en silence, prie, renonce à sa toute puissance et à son ego, Adonaï compris. Les références bibliques sont ici très nombreuses. L’idée d’une toute puissance et d’un tout savoir divin est anéanti. On peut relire aussi l’hallucinant petit livre de Hans Jonas : « Le concept de Dieu après Auschwitz ».

On aura compris que ce dernier couple est celui de la rencontre, de l’amour et de la haine, du hasard et du jeu, du dialogue entre sujets. J’ai été amusé par l’analogie proposée par Neher entre le duo dans la musique et le dialogue. Un duo est un contrepoint, une dualité de deux mélodies parfois très différentes, au sein d’une harmonie globale. Le dialogue, quand il est chargé d’écoute et d’espoir, peut traduire des différences, en vue d’une rencontre dont on ignore la forme et le contenu… Une rencontre possible, mais jamais certaine, vers l’avenir.

Neher essaie de montrer que ces silences (deux par deux), conjugués entre eux, se déclinent sur les plans psychologiques, mais aussi historiques et métaphysiques. Il n’hésite pas à écrire que la Bible, voire les Targums, les Midrashs, les interprétations, ne sont pas la Parole de Dieu, mais le Silence de Dieu. Naturellement, le silence, la nuit et le brouillard d’Auschwitz viennent à l’esprit : on ne peut que se taire devant cette abomination. Non seulement Dieu est mort, comme l’écrivait Nietzsche, mais l’Homme (avec un grand H) est mort dans les camps d’extermination : fin de l’humanisme et des rêves prométhéens. Toutefois à la différence de Sartre qui disait que le silence de Dieu est la preuve qu’il n’existe pas (Je-On, ou Je-Il), Neher plonge sa méditation sur l’exil et l’éclipse de Dieu, vieux thème juif et mystique (le « Je-Tu » qui appelle au silence de l’écoute et de l’espérance, au cœur même de la pire des tragédies) : il n’y a pas de réponse (ou au minimum pas de réponse immédiate et facile), il y a des questions. Il y a l’irréductible question de Job : Pourquoi ? Les survivants ne parlent pas. Une fois les acteurs rescapés disparus, seuls les héritiers commencent timidement à parler : c’est ce qui s’est passé autour du cauchemar des camps de la mort. La vie reprend son souffle (*).

Neher relit encore ce récit hallucinant du Prophète Élie sur la montagne : Adonaï n’est ni dans la tempête, ni dans le bruit ou les flammes, ni dans les tremblements de terre, mais dans le silence d’une brise légère. L’espérance contre tout désespoir ?

J’avais lu ce livre, jeune, juste après des années de maladie, et je me rends compte à quel point il m’avait marqué à l’époque. « Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien », m’avait dit un vieux sage, il y a plus de 40 ans. Le mal, malheureusement, est très bruyant au point d’étouffer la parole. Heureusement, dans le gradient qui va du silence au bruit, il y a la place pour la musique et la parole. Et la vie triomphe de la mort, à son rythme.

Que les lecteurs me pardonnent d’écrire tant de lignes sur le silence. Merci.

(*) Cela dit, je marche sur des œufs en écrivant cela. Je ne suis pas juif. Par chance, je suis né la génération suivante… mais mes paroles restent prudentes.

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Investigations trinitaires – Tome 3 – Introduction et projet

Soyons direct. Après la relecture des tomes précédents, de mes lectures plus récentes, notamment historiques et théologiques, mais aussi après ma méditation personnelle et l’interpellation des mouvements de pensée et des événements proches ou mondiaux, ma perspective initiale a changé. Le point essentiel est qu’il me paraît difficile d’aborder le tourbillon trinitaire, que j’ai appelé ainsi, autrement que dans le cadre d’une pensée qui accepte l’idée d’une révélation, en l’occurrence chrétienne, et de l’aventure biblique, avec toutes les formes qu’elle a prises par la suite. Contrairement à mon intention initiale, l’espoir de penser la question de l’être nécessaire (sens et existence) sous l’angle du mystère trinitaire s’avère presque impossible. Pas seulement en raison de mes limites intellectuelles, techniques ou morales, mais surtout parce que c’est une impossibilité métaphysique.

Cependant, je continue à penser que l’homme est capable d’infini, comme l’écrivaient les penseurs médiévaux. Ce que je désire avouer, c’est que la médiation philosophique me paraît aujourd’hui insuffisante, même si elle est nécessaire, si elle n’accepte pas de lumières venues d’ailleurs : lumières religieuses certainement, si la possibilité d’une révélation divine, extra-humaine, est acceptée, en tenant compte naturellement des précautions épistémologiques et herméneutiques qui s’imposent. Des lumières scientifiques aussi, car les philosophes et les théologiens ne peuvent se livrer à des spéculations ontologiques sans un minimum de connaissance des phénomènes du réel qui se manifestent à nous et dans lequel nous baignons. Et pourquoi pas des lumières artistiques, musicales par exemple ? Et pourquoi pas l’expérience personnelle dite « mystique », mot dont je me méfie quand même un peu ?

L’idée que la Trinité donne non seulement un sens à nos vies, mais qu’elle représente également l’approche la plus pertinente de la question de l’être, de son sens et de son existence, reste une conviction profonde. Mais je dois admettre qu’il s’agit d’un choix, même le mieux informé par l’histoire de la pensée et de ses multiples expressions, donc aussi de la conviction et de la vision personnelle.

En revanche, le développement proposé dans le premier volume de nos investigations reste valable : toutes les navigations sur l’océan des représentations simplistes, religieuses, sentimentales ou spirituelles du divin se brisent sur les rochers de l’expérience de Job. L’idée que le « tourbillon trinitaire » permette de surmonter cet échouage repose sur une conséquence des propositions sur lesquelles s’achève le livre. Le livre se termine en effet par la confiance qu’Adonaï-Dieu offre à Job et par le déploiement prodigieux de la création devant les yeux émerveillés et respectueux de ce dernier. Deux points donc : l’amitié entre Job et son Dieu, thème fondamental que l’on retrouve çà et là dans la Bible ; l’émerveillement devant la beauté et la puissance de la création, occasion d’une sortie de soi et de sa petite cohérence philosophique et religieuse égocentrique.

Adonaï reconnaît que Job, l’innocent qui souffre, est le seul à avoir parlé de lui avec justesse, malgré les protestations, les révoltes, les blasphèmes et les pulsions suicidaires. Puis, le Verbe parle à son tour pour déployer les merveilles de la création et démontrer ainsi la puissance créatrice de l’Esprit. « Et Elohim vit que cela était beau et bon », lit-on dans la Genèse. La Parole et l’Esprit, venus des profondeurs silencieuses (Adonaï-Dieu ne dit pas un mot pendant les débats théologiques des amis de Job), recouvrent la souffrance, même innocente, et les fausses justifications religieuses. En écrivant cela, je ne minimise pas la souffrance de Job, loin de là. Elle restera toujours en arrière-plan de notre réflexion actuelle.

Autre aspect des investigations précédentes : la Trinité se révèle à mes yeux comme une réalité active et tourbillonnaire. J’utilise le terme « tourbillon » de préférence à « spirale », qui caractérise souvent le mouvement de l’esprit et dont l’étymologie est semblable. Dans le jargon théologique, on parle en effet de « spiratio » avec les connotations d’inspiration, de respiration, d’expiration (et donc de vie et de mort), de conspiration (le « cum » latin de l’ensemble spiral, malgré la signification complotiste du mot) ou de transpiration (indiquant l’énergie et la lutte) pour désigner l’origine, la finalité et le mouvement de l’Esprit. J’utilise de préférence le concept de « tourbillon » en songeant d’abord au fait que celui-ci monte en hélice ou s’élargit en spirales qui repassent par les mêmes rayons, mais aussi aux théories du chaos et des structures dissipatives en thermodynamique et en biologie. Le tourbillon est au cœur des êtres vivants : prenons l’exemple de la molécule d’ADN et de son hélice. Il s’agit d’une structure dans un système turbulent débordant d’énergie. Il s’agit également d’un processus permanent de création et de rétroaction. Et bien sûr, parce que nous sommes sur un terrain théologique, le tourbillon est une métaphore, voire une analogie qui me parle densément des relations interpersonnelles de la vie divine, et parallèlement de nos vies et rencontres de tous les jours. Je pourrais développer cette image pendant des kilomètres de lignes…

Par conséquent, je ne mets plus de guillemets autour du tourbillon trinitaire.

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J’ai écrit ci-dessus que ma méditation s’était déplacée. Les points auxquels j’attachais de l’importance ont pâli ou se sont amoindris au fil de ma navigation.

Par exemple, dans le premier tome, je cherche à justifier la position du croyant face à l’athéisme ou à l’agnosticisme contemporains. Aujourd’hui, cette justification ne me semble plus très pertinente, car il me paraît de plus en plus évident que l’athéisme est une forme de « foi » ou de croyance. De plus, l’évolution de la pensée de certains philosophes et écrivains montre qu’ils sont plus prudents dans leurs déclarations lorsqu’ils abordent les questions religieuses ou métaphysiques. La vague de demandes de « spiritualité » dans les nouvelles générations interpelle tout le monde. Par ailleurs, il est difficile pour les intellectuels d’éviter la question religieuse face aux événements mondiaux, qu’il s’agisse des guerres ou de la montée du fondamentalisme. L’idée que toute cette actualité n’est que le signe de combats d’arrière-garde obscurantistes derrière la majestueuse avancée du progrès se désagrège peu à peu. Face à ces nouveaux phénomènes, il devient embarrassant d’opposer avec désinvolture la raison, les idées philosophiques issues du Siècle des Lumières ou les théories du soupçon.

Ce n’est pas une raison pour renoncer à l’esprit critique non plus. Il est simplement demandé de l’élargir. Comme la spirale qui s’ouvre ou le tourbillon qui aspire.

Quant à l’agnosticisme, c’est-à-dire l’attitude intellectuelle et pratique qui consiste à dire qu’on ne sait rien, il apparaît à beaucoup comme une marque d’humilité. Je ne suis pas si convaincu : l’humilité d’un vieux chercheur qui a passé sa vie à naviguer et à plonger dans de multiples mers, conceptuelles ou concrètes, et qui découvre qu’il se perd à ne contempler que des horizons sans fin, d’accord. Mais l’humilité de celui qui ne veut pas penser, en restant au fond de la cale sans sortir de sa zone de confort, comme l’écrit Pierre Teilhard de Chardin, me laisse pantois. Ce même Pierre Teilhard écrit qu’on n’empêchera jamais l’homme d’expérimenter. Affirmation effrayante, je sais, mais écrite par un homme profondément optimiste qui croit en la puissance de l’esprit. De l’Esprit ?

En théologie chrétienne, notamment orthodoxe, il existe toute une réflexion qui relève de ce qu’on appelle « l’apophatisme ». Il s’agit de parler de Dieu ou des choses divines par ce qu’il n’est pas. L’agnosticisme peut être apparenté à cette réflexion, sous une forme inversée, à condition que l’agnostique accepte de continuer à chercher et ne renonce pas par fausse humilité morale.

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Par ailleurs, le mot « foi » est un terme vaste et polysémique. On peut se demander ce qui se cache derrière ce terme, que ce soit dans la bouche de journalistes ou d’athées des médias, ou dans celle de nombreux croyants. La Seconde Alliance (le Nouveau Testament) ne se polarise pas sur « la foi » en général, mais sur la foi en la personne du Christ Jésus. Sans cette référence interpersonnelle, le mot « foi », galvaudé ou caricaturé, perd sa signification et ne devient qu’une forme particulière d’opinion.

Pour cette raison, j’ai presque fait disparaître le mot « foi » de mon vocabulaire, sans précision de sa visée. De plus, il est important de déterminer ce que recouvre le terme « religion » associé à celui de « foi » : la confusion est importante dans les médias, mais aussi chez des intellectuels avertis. Est-il si sûr, par exemple, que le christianisme soit une religion ? La question est posée dans le protestantisme libéral. Ou pour nuancer : la dimension religieuse du christianisme, telle qu’elle s’est développée dans l’histoire, est-elle si fondamentale ? N’existe-t-il pas également des religions sans « foi », voire sans croyance en un Dieu ? Je ne reviendrai pas sur ce qui est induit par le mot « Dieu », dont j’ai parlé dans le volume 1.

Dans la théologie chrétienne classique, le mot « foi » est associé à l’adhésion intellectuelle et croyante à une confession, notamment celle de Nicée-Constantinople, devenue par fossilisation excessive une doctrine, ou, si l’on veut, un ensemble de dogmes. Or, nous savons à quel point le mot « dogme » est devenu péjoratif, alors qu’il n’avait pas cette signification à l’origine. Face à la critique historique, philosophique et populaire, cette vision de la foi est difficile à accepter aujourd’hui. Personnellement, j’y souscris dans la mesure où, dans la liturgie chrétienne, elle apporte un énoncé objectif face aux rhétoriques pas toujours très pertinentes de nos prédicateurs. Les habitués des messes catholiques savent qu’après avoir écouté un sermon ennuyeux, moralisateur, sentimental ou infantilisant, comme on en entend beaucoup dans les églises, la proclamation du Credo ramène le calme et le détachement.

Le mot « foi » détaché de toute référence ou de tout contexte, je le remplace souvent par le mot « confiance » qui se situe dans un rapport à la fois de relation interpersonnelle et de regard positif sur le monde (le « cum » latin déjà cité, qui signifie « avec » et évoque la collectivité, l’interpersonnalité et l’échange). Le Christ Jésus demandait une « foi » en sa personne. Je la renforce par la vertu théologale qu’on appelle « espérance ». La confiance et l’espérance relèvent de la relation et non de l’opinion ou de la conviction qui arrange notre petit confort intellectuel ou moral.

Par conséquent, réfléchir à la Trinité avec détachement, ou plutôt avec une certaine distance, m’apparaît aujourd’hui voué à l’échec, ou, pour reprendre mes propres mots, comme l’expression de la vanité de celui qui se pensait capable de connaître l’océan et ses horizons. C’était mon ambition initiale, ai-je écrit, avec un peu d’humour toutefois, pour éviter d’être pris trop au sérieux. Bien sûr, il n’est pas interdit d’inférer quelque développement ontologique de la confession chrétienne trinitaire. Je garde toujours cette intention, telle une boussole, mais elle est devenue secondaire au milieu des creux et des vagues, au milieu des méditations. La raison se décompose face à des interrogations qui tentent de concilier une théologie positive et une théologie négative, apophatique. Le va-et-vient entre ces deux formes de théologie implique un engagement personnel qui va bien au-delà d’un essai ou d’une thèse. Il en va de même dans la transposition philosophique, avec les oscillations entre rationalisme scientiste, agnosticisme positiviste et athéisme. Je reviendrai sur tous ces aspects.

Toutefois, s’appuyer sur la « confiance » et « l’espérance » dans le seul tourbillon trinitaire pour dépasser les idées simplistes sur Dieu comporte un risque : celui de l’univocité, c’est-à-dire la réduction d’une réponse complexe à une seule perspective, et par-delà, le risque d’une dérive vers l’enfermement doctrinal, confessionnel ou idéologique. Ou simplement sentimental. J’essaierai de circonscrire ces risques.

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Cela dit, nos investigations ne relèvent pas seulement de la « raison », même informée par quelque révélation divine, mais aussi de la question du « sens », dans le domaine du savoir, et plus encore du sens de l’existence de notre vie immédiate et concrète, de notre vie au sein d’une communauté humaine, mais aussi au cœur d’un écosystème naturel et cosmique.

Lorsque je me suis engagé dans ces investigations trinitaires, je désirais aborder le mystère de la Sainte Trinité sous les angles à la fois métaphysique et existentiel. Cette démarche s’appuyait sur une expérience personnelle de ma jeunesse, au cours de laquelle j’avais perçu la Trinité comme un tourbillon de vie. Les effets éthiques, politiques et religieux d’une telle connaissance restaient secondaires, même s’ils étaient nécessairement présents en filigrane ou en illustration de tel ou tel point de la réflexion. Il s’agissait également d’écrire un texte permettant de faire le point sur mes méditations concernant la Trinité depuis ma jeunesse. Pas uniquement la Trinité, d’ailleurs. Le point de mes convictions et de mes réflexions les plus personnelles dans d’autres domaines également. Toutefois, le « tourbillon trinitaire » est resté présent, tel les abysses habitées, mais invisibles, du fond de l’océan, derrière toutes choses, dans ma vie quotidienne et dans ma prière contemplative, en proportion de mes capacités, de mes moyens et de mes limites.

Le cap métaphysique, que j’ai un peu perdu de vue, était marqué par de nombreuses recherches, suite à des formations suivies ou offertes par le passé, à des lectures choisies en fonction des angles de ma navigation, mais aussi de mon histoire. Heureusement, l’opportunité d’enseigner à l’université et d’animer des groupes de travail interdisciplinaires a structuré nombre de mes réflexions. J’ai enseigné les sciences physiques, puis surtout la philosophie des sciences et l’histoire de la pensée. La question de l’être, de la nécessité et de l’existence, était fondamentale, même lorsque j’assistais, dans ma jeunesse, à des cours de mathématiques.

Eh oui ! Les mathématiques me donnaient le vertige. Construire ou déduire des théorèmes ou des hypothèses logiques sur l’infini, que ce soit en topologie, en algèbre, en arithmétique ou en analyse, me conduisait à transposer leurs conclusions dans le domaine métaphysique, voire religieux. Par exemple, les théories du transfini de Cantor. Ceci est important, car les outils rationnels, informés par la logique et, pourquoi pas, par les méthodes mathématiques, me paraissent essentiels en philosophie et en théologie. On ne peut se contenter de raisonnements fondés uniquement sur des logiques aristotéliciennes ou des métaphores mathématiques euclidiennes, comme j’ai pu en entendre. Il en va de même dans des considérations anachroniques sur l’espace, le temps ou la matière, dans le domaine métaphysique ou en théologie fondamentale.

Cela dit, il ne s’agit pas d’être imprudent et de discourir n’importe comment à partir d’un éblouissement conceptuel instantané. On me l’a reproché un jour, lors d’un cours de philosophie des sciences que je suivais à Toulouse. Je n’étais pas assez réfléchi et je risquais de passer d’un domaine à l’autre sans prendre de précautions épistémologiques.

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Celles et ceux qui ont lu les tomes précédents auront remarqué l’intérêt que j’ai porté à la philosophie et à la théologie américaine du process, et notamment à la pensée d’Alfred North Whitehead : sans aucun doute, elle me paraît toujours être la seule alternative pertinente aux vieilles théories substantialistes et aux philosophies post-cartésiennes et post-kantiennes. Pourquoi ? Ce n’est pas l’objet de ces méditations, mais l’immense connaissance de la logique, des mathématiques et des sciences de la nature de Whitehead, ainsi que son audace, constituent le meilleur contrepoids aux pensées exclusivement centrées sur l’anthropologie philosophique et théologique, ainsi que sur l’histoire. Certains philosophes l’ont remarqué et l’ont écrit : je pense à Jacques Merleau-Ponty et à Isabelle Stengers.

Un autre penseur m’a imprégné à une époque. Il s’agit du philosophe allemand Hegel, qui était à la fois opposé à la philosophie du processus de Whitehead et, curieusement, plus proche qu’on ne l’imagine. Anecdote amusante : Whitehead a avoué n’avoir jamais réussi à lire la philosophie de Hegel. Or, la pensée du philosophe berlinois est profondément trinitaire, même si elle n’est pas théologique. Si j’ai su avec le temps me démarquer de lui, sa pensée demeure une échelle à laquelle je me raccroche quand je me surprends à errer dans les nuages des concepts et des facilités spéculatives.

Il existe bien d’autres influences philosophiques et théologiques dans ce que j’essaie de partager. Je pense notamment à Pierre Teilhard de Chardin et à certains de ses disciples, mais aussi à d’autres courants de pensée, comme ceux de Michel Serres et d’Isabelle Stengers, ou encore à la pensée de Hans Jonas et d’Hannah Arendt. Je m’inspire également de la spiritualité et de la philosophie juives. Je dois beaucoup à Edgar Morin, dont j’ai eu la chance d’enseigner quelques éléments. Je pense surtout à l’Edgar Morin de la « Méthode » où il dissout les logiques traditionnelles dans des flux beaucoup plus vastes et turbulents. Edgar Morin m’a aussi appris à penser et écrire en ternaire, c’est-à-dire d’essayer d’aller au-delà des oppositions et des dualismes. J’en oublie certainement beaucoup, et je suis loin d’avoir tout exploré. Les influences seraient trop longues à développer ici, chacun les remarquera sans doute. Quant aux anciens, ce sont surtout Aristote d’un côté et Lucrèce de l’autre.

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Bref, pour résumer, l’axe métaphysique que j’avais imaginé n’a mené nulle part, si ce n’est à la contemplation de l’infini actif et de l’inconnaissance qui lui est associée. Face à lui se dresse l’interrogation née de la révélation biblique et chrétienne. Autre axe, mais toujours l’horizon. Non pas le christianisme religieux, mais le christianisme métaphysique et ce qu’il a fait émerger dans l’histoire. Il n’y a donc pas moyen, comme je l’ai écrit, de démontrer que le mystère trinitaire est une nécessité première de l’être et de l’existence, à moins de se satisfaire d’une lunette logique particulière. Celle des scolastiques, par exemple. Une pensée structurée, à mes yeux, traverse l’expérience humaine, collective et personnelle, immédiate ou construite, instantanée ou durable, dialectique, logique ou analogique, et elle inclut aussi des formes de connaissance que des spécialistes scrupuleux rangeraient dans d’autres catégories : l’imagination ou l’intuition, par exemple. Chacun me pardonnera mon amateurisme dans la précision conceptuelle de ces notions : il y a très souvent quelque chose d’à la fois mathématique, musical et ondulatoire derrière ma méditation.

J’ajoute qu’à la relecture des deux premiers tomes, je m’aperçois de certaines maladresses et imprécisions dans les concepts et les propositions exposés. Je les corrigerai. En revanche, le parcours suivi a permis d’éclaircir de nombreux points qui étaient obscurs ou flous au départ. L’écriture est un outil précieux. Elle ressemble à un cabotage sur un fleuve, à une navigation et à des plongées dans l’océan. Elle nous fait découvrir des rivages et des étendues immenses et obscures, non sans traverser des tourmentes et des périls possibles. Mais on avance.

Ici, je dois reconnaître que lorsque la raison accepte ses limites, la confiance et la prière prennent aisément le relais. Confiance en une révélation, même insignifiante ou bannie des yeux des philosophes, confiance dans les autres, et en premier lieu, confiance dans les savants toujours en quête de vérité et dans les grands priants de l’histoire. Savoir que l’on participe à une longue histoire de penseurs, de personnes exceptionnelles, mais aussi d’institutions et d’ordres religieux expérimentés, donne de la force et de la volonté pour ne pas tomber dans l’abîme d’une pseudo-raison qui se désagrège au-delà d’un certain seuil, si l’on s’entête. Bref, de la métaphysique, je suis retombé dans la théologie chrétienne et juive, indépendamment de l’attachement à une Église particulière ou à un courant spirituel.

La confiance est également fondée sur le premier chapitre de la Genèse, selon lequel le monde est fondamentalement beau et bon. L’aventure humaine, voire celle de toute noosphère, ici ou ailleurs dans l’univers, est belle et bonne. Tel est le sens du mot « tov » dans la Bible. Si les apparences semblent contredire cette idée, il me semble qu’après avoir franchi le cap des réflexes de recherche des causes, on découvre le simple bonheur d’exister gratuitement. Il s’agit de quitter la zone des causalités et des finalités pour entrer dans celle de l’être simple. Comme je l’ai rappelé précédemment, j’interprète la fin du livre de Job, l’innocent qui souffre, comme un émerveillement devant l’univers et comme un don gratuit de confiance et d’amitié entre Job et son Dieu, Adonaï. « Ceins tes reins comme un brave », écrit l’auteur du livre, verset que les commentateurs de cet extraordinaire récit ne voient habituellement pas.

Heureusement, il y a la Bible. Bible et herméneutique. La Bible n’est ni un texte philosophique, ni un texte véritablement théologique, malgré les apparences. C’est une bibliothèque. C’est avant tout une histoire d’hommes (beaucoup) et de femmes (aussi). Elle est la rencontre d’individus et de communautés qui racontent, crient et méditent leur expérience, et qui nous ouvrent à l’altérité et au renoncement critique. Je ne suis pas exégète, mais j’ai eu la chance d’étudier la Bible avec des maîtres exceptionnels et reconnus durant deux années à Fribourg, entre 1978 et 1980. Grâce à eux, je me suis détaché des raccourcis, des simplismes et des caricatures que l’on lit et que l’on entend dans les médias, dans les églises et dans les prêches des « spiritualistes ».

J’aurais toutefois quelques réserves à l’égard de certaines interprétations déduites des textes bibliques, et plus généralement à l’égard des méthodes utilisées pour en tirer le sens qui arrange telle ou telle religion, institution ou communauté. Je reviendrai régulièrement sur la pertinence des méthodes de lecture, y compris celles qui semblent les plus intelligentes.

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Le deuxième axe des investigations trinitaires s’est voulu existentiel. En raison de la maladie qui m’a frappé durant mon adolescence, de mon handicap et des séquelles dont la plupart de mes amis ignorent l’existence, sauf les plus proches, l’interrogation sur le sens de cette expérience personnelle, sur la solitude à laquelle elle conduit, sur le sens de la vie et de la mort, et sur le sens de l’existence contingente, m’est apparue autrement plus importante que les bavardages moralisateurs des sermons et des prétendus textes de spiritualité. Face à la mort, à la souffrance et à l’injustice existentielle, les homélies et les belles sentences ont quelque chose de risible, pour ne pas dire d’absurde. Dans ce domaine, les Églises catholiques et protestantes, ainsi que nombre de spiritualités qui se veulent religieuses, restent, sauf exception, de grosses machines à culpabiliser et à infantiliser. Ceci explique mon désintérêt pour les spiritualités écrites par des personnes sans expérience, même quand elles sont de bonne foi.

Heureusement, les Églises et les religions en général ont d’autres richesses, insuffisamment connues et diffusées. J’ai eu l’opportunité et la chance de donner un long cours sur la théodicée à un groupe de l’Église réformée. Malheureusement, ce cours n’a pas eu de suite. J’ai également donné un cours dans une école d’ingénieurs sur le hasard de notre condition existentielle, abordé sous les angles mythologique, théologique, philosophique et scientifique, en passant par les interrogations des athées et des mystiques. Je suis fier de ces cours.

La question de notre condition existentielle peut sembler absente de la Bible lue rapidement sous l’angle moral et juridique. C’est faux. Il y a d’abord le livre de Job, qui est le censeur impitoyable de toute théologie facile pour quiconque a lu les deux tomes précédents. Un autre lieu de ce cri existentiel est le livre des Psaumes. Quelle chance pour les moines catholiques et les communautés religieuses de pouvoir les méditer et les chanter chaque jour ! Les Psaumes sont le fondement de ma prière personnelle et je ne connais aucun texte capable de les égaler. On remarquera que les psaumes sont des dialogues et non des monologues, même si parfois, les réponses du « ciel » semblent vides.

Si les textes bibliques, lus trop précipitamment, servent à beaucoup de gens de puits de sentences moralisantes et de gazouillis spirituels, ils sont d’abord des rencontres avec des vies. Abraham, Jacob, Moïse, Samuel, David, Élie, Jérémie, Ézéchiel, Jésus, Luc, Jean, Paul, etc. sont des personnes concrètes qui ont tenté d’associer, non sans difficulté, l’esprit, la parole et les gestes. Je n’oublie pas non plus les femmes étonnantes qui apparaissent ici et là, en tant que mères, épouses, combattantes, voire prophétesses, révélatrices ou actrices capitales dans telle ou telle situation. « Bifurcatrices », dirais-je, dans le vocabulaire de la philosophie du processus. Sarah, Rebecca, Débora, Ruth, Esther, Marie, les sœurs de Béthanie, Marie-Madeleine, la Samaritaine, les amies de Paul, etc.

Le fait que Jésus ait très vite été reconnu comme la « Parole de Dieu » dans le quatrième évangile, comme « égal de Dieu » dans les lettres de Paul et chez les premiers chrétiens, et comme « Fils unique engendré du Père » au sein du tourbillon trinitaire lors des débats futurs, ne doit pas faire oublier que toute l’histoire biblique est celle de ces personnages qui nous ressemblent et qui, à leur manière, offrent une image de la divinité. Derrière les récits bibliques se cachent des significations de nombre de nos situations, de nos progrès, de nos émerveillements, de nos difficultés, voire de nos échecs et de nos diminutions. Avec une constante : la confiance et l’espérance, malgré les épreuves, les injustices et l’absurdité apparente de notre condition. La tradition juive ne l’a pas oubliée, elle qui estime que les textes bibliques n’ont de sens que dans la mesure où ils sont interprétés non seulement de manière abstraite, mais aussi dans le concret de chaque vie. L’Esprit avant la Lettre.

Cela ne va pas de soi. Les textes bibliques ne proposent pas de solution. Il peut y avoir des réponses à diverses interrogations, et il y en a. Mais ces réponses suscitent de nouvelles interrogations. Une réponse est rarement une solution. Jeu de clarté et d’obscurité, non statique, mais dynamique.

*

Cela dit, le troisième tome se risquera à aborder les thèmes éthiques, politiques et spirituels que j’ai jusqu’ici voulu éviter, car les axes métaphysiques et existentiels me semblaient plus essentiels. Je continuerai à suivre ma propre voie, tout en tenant compte de ce que disent et écrivent les savants, les prophètes, les sages et les institutions.

Dans le premier tome, j’ai imaginé placer Basile de Césarée et les Cappadociens en opposition avec Augustin. L’idée était que, si l’analogie psychologique de la Trinité développée par Augustin avait permis bien des ouvertures théologiques et philosophiques, sa vision ouvrait également les portes de l’individualisme contemporain et d’un moralisme envahissant, voire exaspérant.

La philosophie en a été à la fois bénéficiaire et victime. Il est facile de deviner dans le Cogito de Descartes une forme de pensée proche de la spiritualité d’Augustin. Individualisme et subjectivisme. Du côté de l’ecclésiologie, la hiérarchie de nombreux théologiens et textes doctrinaux qui établissent le célibat comme un état supérieur à l’état de couple et le justifient pour le clergé me paraît aussi être une conséquence fâcheuse de cette spiritualité : un époux ou une épouse dérangent l’individu, moine ou religieuse, dans son activité spirituelle. Dans ma jeunesse, j’ai expérimenté à deux reprises les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, et je suis frappé à la fois par leur actualité et par leurs limites. « L’autre » au sens de l’altérité et la « personne » au sens philosophique d’aujourd’hui comme au sens théologique de la Trinité y sont absents, même si, de temps à autre, un rappel doxologique trinitaire semble y être plaqué arbitrairement. Je présente mes excuses à mes amis ignatiens : les Exercices spirituels restent un excellent guide pour la prière, la connaissance de soi, l’imagination, la méditation biblique et l’action, je le reconnais. Nécessaire, mais pas suffisant. Derrière, on devine la figure d’Augustin. Lors de mes études de théologie, j’avais fait remarquer à l’un de mes professeurs, un solide thomiste, le poids énorme de la spiritualité individualiste dans la pensée de Thomas d’Aquin, qui se rapproche ici d’Augustin. Il l’avait reconnu, mais avait expliqué et justifié cette tendance par le fait que le futur « docteur angélique » vivait dans une société chrétienne. L’altérité et la dimension communautaire allaient de soi.

Quant à la question existentielle qui taraude nos contemporains et qui est au cœur de l’athéisme, elle était absente des préoccupations spirituelles traditionnelles.

Face à Augustin, j’ai positionné Basile de Césarée et sa famille, ainsi que les deux Grégoire de Cappadoce. À la différence d’Augustin, ils semblent avoir mis l’accent sur les relations interpersonnelles plutôt que sur l’aspect psychologique. Ces derniers temps, j’ai relu des textes consacrés à Basile et à Grégoire de Nysse, y compris des textes originaux, et j’avoue avoir été un peu hâtif dans mes affirmations du premier tome. C’est plutôt l’autre Grégoire, Grégoire de Nazianze, qui met l’accent sur la singularité des relations interpersonnelles au sein de la Trinité. Dans sa polémique avec le philosophe grec Eunome, Basile a introduit l’idée de « relation » pour définir les personnes divines. C’est essentiel, et les lecteurs de mes volumes antérieurs comprendront pourquoi la philosophie de Whitehead, qui suit le même chemin, est l’une de mes lubies.

J’ai également été injuste envers Augustin, car il a repris l’idée de Basile, qui a posé la notion de personne à partir des relations : la relation est au même niveau ontologique que la personne, voire plus. Chez Augustin, puis chez Thomas d’Aquin, la personne est définie par sa relation, comme dans la philosophie personnaliste contemporaine. Seuls manquent la singularité de ces relations et la réciprocité, qui sont deux de mes marottes. Il reste une interrogation : comment se fait-il que cette belle vision trinitaire d’Augustin ait eu aussi peu d’effets dans la théologie spirituelle ? Sauf sur un point que j’essaierai de développer plus tard à propos de la querelle qui oppose Orientaux et Occidentaux.

Je vais toutefois rester sur mon intuition initiale, même si elle est partiellement inexacte. Pourquoi ? D’abord, parce que j’aime beaucoup Grégoire de Nysse, qui a longtemps été l’un des phares de ma prière silencieuse. De plus, selon la plupart des spécialistes, Grégoire a été marié avant d’embrasser, après la mort de son épouse, une vie monastique : son expérience conjugale a certainement été utile à sa réflexion théologique. Il a été très amoureux de son épouse, et cela transparaît dans sa méditation et ses écrits mystiques.

Mon épouse et moi avons également eu la chance de nous rendre à Nazianze, en Turquie, sur les lieux de vie de l’autre Grégoire. Nous avons constaté que les habitants ignoraient qu’un des plus grands théologiens de l’histoire avait vécu là. Il ne reste qu’un champ, pas même labouré, et quelques ruines. Le maire de Nazianze, musulman, en était très touché et très honoré. Mon épouse et moi, ainsi que tous les membres du groupe qui nous accompagnaient, avons été peinés de voir que les chrétiens turcs semblaient se désintéresser de ce lieu. Enfin, le troisième Cappadocien déjà évoqué : Basile. J’apprécie beaucoup la personnalité de Basile, le plus solide des trois, un vrai théologien capable de tenir tête aux philosophes grecs les plus rompus à la dialectique et aux sophismes. Les Cappadociens sont trois, et ils ont eu besoin les uns des autres dans leurs combats et leurs théologies… En Occident, en face, il y a Augustin, un saint magnifique, mais seul. Trois contre un. Belle et amusante analogie de la Trinité, si vous me le permettez. Basile est également le fondateur de la vie monastique orientale, aux côtés d’Augustin, puis de Benoît, du côté occidental.

*

Nous retournons maintenant au point de départ de notre investigation. Le premier chapitre de la Genèse se termine sur l’idée que l’homme est créé à l’image de Dieu. Plus exactement, « Elohim » crée « Adam » à son image, « Ish ». (mâle) et « Isha » (femelle). (femelle). Il les créa. « Elohim » et « Adam » sont des mots collectifs. Ce n’est donc pas l’individu, mâle en l’occurrence, qui est créé à l’image d’un Dieu unique et solitaire, mais Adam, l’humain collectif. Ils, elle et il sont à l’image d’Elohim, le panthéon divin. La proposition est en effet complétée par la référence au couple homme-femme (Ish et Isha), et derrière eux, aux humains dans leur réalité collective et interpersonnelle. Ce sont eux qui sont créés à l’image de Dieu.

« Adam », qui signifie également « tiré de la vase », est devenu le nom du « premier humain » dans le deuxième chapitre de la Genèse, par opposition à « Ève » qui signifie « Vie ». Cette image renvoie à un espace analogique relevant de la culture néolithique, fondée sur la poterie et l’agriculture. Restons donc sur le premier chapitre, ultérieur au second, et rédigé par des scribes. Même si le second chapitre est plus ancien, les scribes et les prêtres l’ont placé en seconde position. Le choix des rédacteurs bibliques est certainement voulu et non arbitraire. Il est également cohérent.

Or, tel est le point de vue des trois Cappadociens, ainsi que celui de nombreux théologiens et exégètes contemporains, en Orient comme en Occident.

Bref, les premiers chapitres de nos investigations s’attacheront plus longuement à l’homme collectif, à l’image du Dieu trinitaire, toile de fond de la réflexion politique, éthique et religieuse de ce troisième tome. Nous les confronterons aux trois infinis ontologiques définis par Pierre Teilhard de Chardin, qui imprègnent souvent à leur insu les mentalités de nos contemporains, ainsi qu’aux quatre humiliations de l’homme moderne par rapport à ses illusions autocentrées, thème développé par le philosophe et sociologue Edgar Morin.

Pas de souci, l’image de Dieu et son modèle trinitaire en sortiront grandis et dépoussiérés.

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Autres planètes habitées et Théologie

🏕️ De mon balcon théologique (et cosmologique) : il y a une quarantaine d’années, j’avais demandé à un théologien ce qu’il pensait de la possibilité d’autres planètes habitées. Réponse : “ha ! ha ! ha !”. Plus tard, j’ai posé la question à un autre théologien qui m’a répondu : “c’est impossible car Jésus est venu sur la Terre”. Réponses d’une pertinence exceptionnelle et encourageante, n’est-ce pas ? Certains m’ont même dit que ces questions n’avaient aucun intérêt.

Or ces questions, je me les pose depuis l’enfance. Et d’un point de vue scientifique autant que théologique, j’entends. Je précise que ça n’a rien à voir avec les ovnis 👽 ou Star Wars ⚔️.

📚 Depuis, j’ai suivi de nombreuses études théologiques et philosophiques d’un côté, et une maîtrise de physique fondamentale de l’autre : j’ai même enseigné la physique et la philosophie des sciences en université, et travaillé une thèse interdisciplinaire (pardon pour le narcissisme : mais je voulais le faire remarquer, pour rappeler que je ne parle pas dans le vide). Une de mes recherches principales a consisté à rechercher des ponts au-dessus de l’abîme entre la cosmologie et la théologie de la création (au vu des bêtises racontées par les ânes créationnistes et fondamentalistes : pas gentil pour les ânes qui sont des animaux très intelligents !🫏)

Il y a 40 ans, les intellectuels étaient marqués par le mot de Jacques Monod : “l’homme est un tzigane égaré dans un monde où il est apparu par hasard”. Mais depuis cette époque, la cosmologie a bien changé. Des traces de molécules organiques, voire de vie, sont perçues dans l’univers (voir les ouvrages de Nathalie Cabrol par exemple). L’idée de “hasard” ne tient plus vraiment la route. Bien au contraire, il semblerait qu’il existe une puissance de vie partout répandue dans le continuum spatio-temporel. Je regarde toujours l’étendue vertigineuse de l’univers avec émerveillement.

📡 De là à entrer en contact avec une probable civilisation consciente, là, c’est autre chose ! (voir le “paradoxe de Fermi” que je ne développe pas ici sur Fesse de bouc).

il reste la question théologique. J’ai demandé à une IA (Perplexity, en l’occurrence) ce qu’elle en disait :

(1) La tradition chrétienne, voire catholique, ne s’est jamais opposée à l’idée d’autres mondes habités. Bien au contraire. On trouve ces questions posées dans la Patristique et au Moyen-Âge, et même aujourd’hui dans des petits cercles.

(2) Depuis le 16e siècle, c’est-à-dire au moment du “tournant vers l’esprit” (comme dit le théologien Urs von Balthazar), la théologie chrétienne est devenue très anthropocentrique, christocentrique et historicisante. D’où son désintérêt pour ces interrogations.

Des auteurs comme Michel Serres, Ilya Prigogine, Jacques Merleau-Ponty, Isabelle Stengers, etc. m’ont arraché en partie à cet anthropocentrisme historique (même si j’aime toujours autant Hegel). Et du côté théologique, il y a bien plus de liberté qu’on imagine sur ces thèmes. Teilhard d’un côté, la Process theology d’un autre, et une connaissance assez bonne de la Patristique (Origène, Maxime, Évagre, etc.) ont aussi été précieux. Il y a aussi Dun Scot et Nicolas de Cues au Moyen-Âge. Je ne développe pas ici, mais l’IA a très bien complété : n’oublions pas qu’il existe un observatoire astronomique au Vatican ! 🔭 Et on s’y pose toutes ces questions sans a prioris.

Comme quoi le Vatican n’a pas que des défauts ! 😄

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Citer un texte dans un essai

🏕️ De mon balcon théologique : la méthode qui consiste à extraire une phrase d’un auteur pour appuyer une thèse ou énoncer une idée générale est un procédé imprudent, voire douteux et parfous exaspérant. Sauf cas particulier (*). C’est encore pire quand il s’agit de la Bible. Une citation est toujours écrite dans un contexte socio-politique, littéraire, sémantique et « systémique » (** – c’est mon dada 🐴).


(*) Par exemple, si on travaille sur cet auteur, si on a envie d’illustrer une idée (sans vouloir la démontrer) ou d’écrire des aphorismes. Personnellement, je préfère travailler avec les outils de la logique (formelle, analytique, dialectique ou systémique) plutôt que de citer des auteurs, pour appuyer une thèse. Même si j’ai commis cette erreur autrefois…
(**) Systémique, c’est-à-dire global et complexe. Complexe ne signifie pas « compliqué », mais tissé de liens non dénouables.
… Après bien sûr, il n’est pas interdit d’interpréter les textes comme on veut (targums et midrashim), mais il importe de préciser quelle méthode on utilise ou dans quel genre littéraire, poétique ou musical on s’exprime. Une perception perso quoi, ou un ressenti ! Pas un concept ou une démonstration ! Je ne suis pas un ayatollah !

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Investigations Trinitaires – Tome 2

 

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Pannes d’ascenseur, cauchemar des personnes handicapées

Article du Monde, en PDF

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Mozarabe 2025 avec amputés

1er jour : Dimanche 6 avril 2025 : voyage vers Alméria, via Malaga

Lyon-Barcelone et 4 heures d’attente à Barcelone. Cela nous laisse le temps de mieux connaître Yves amputé fémoral, qui voyage avec nous. Aéroport immense. On mange dedans, puis dehors pour un café.

 

– Avion ✈️ jusqu’à Malaga. Arrivée 17h30. Dominique G nous rejoint.

– Nous attendons 1h30 avant que la navette vers le loueur de voiture vienne nous chercher.
– Je conduis de Malaga à Alméria. Ford. Voiture difficile à contrôler. Je ne suis pas rassuré sur une autoroute qui tourne tout le temps…
 
– Arrivée Alméria vers 22h45. Accueil par Julian : très sympa. Magnifique appartement au 8ème étage avec une terrasse sur le toit qui domine la ville (location Airbnb).


2ème jour : Lundi 7 avril  2025 : journée à Alméria

  • Desayuno au bord de la mer Méditerranée.

Puis marche le long de la mer et montée vers le Centre Ville.

Visite de la Cathédrale et d’un monastère de Moniales.

 

 

 

  • Nous partons vers un marché couvert pour acheter jamón, queso 🧀, pan, frutas, etc. et retour à l’appartement de Julian. Repas dehors sur la terrasse.

Vers

  • 18h, nous retournons vers la Cathédrale : on a trouvé un raccourci.

– RV avec les deux nouvelles : Dominique et Martine, de Carcassonne, qui sont venues en caminonette Mercedes. Arrivent Nely, son mari et 2 autres pèlerins : un français et un américain de New York.

– Nous participons à la messe… avec une bénédiction spéciale du prêtre qui signe nos credenciales.

– Nely nous emmène dans un bar à tapas. Super dernier moment du jour. Retour à l’appartement dans la nuit.


3ème jour : Mardi 8 avril  2025 : Alméria-Benahalux-SantaFe

  • Lever tôt au joli appartement d’Almeria. Préparatifs, puis desayuno consistant dans un bar, en bas de l’immeuble.

    – nous partons tous les quatre, Dominique, Yves, Véronique et moi, rejoindre les deux autres à Benahadux.

  • Arrivé là-bas, je prends la voiture que j’emmène à Rioja. Puis je vais à pied à la rencontre des 5 marcheurs.

 

 

  • Depuis Rioja, chacun son tour prend la voiture, pendant que les autres marchent. Orangers, belles villas, petite route sympa.

  • à Santa Fe, nous allons manger au restaurant quelques tapas. Puis nous retrouvons Eliana qui se charge de nous installer dans un tout nouveau gîte.
    Siestes, puis le soir nous grignotons dans le nouvel hébergement. Première journée tout le monde semble bien content.


4ème jour : Mercredi 9 avril  2025 : SantaFe-Alboloduy

Lever tôt. Petit déjeuner rapide et départ 7h dans le noir.

  • J’accompagne tout le monde dans la première montée, puis je vais chercher la voiture. Je pars rejoindre le croisement avec la grande descente et je pars à leur rencontre.
    Nous nous retrouvons pour grignoter ensemble. Je laisse la voiture à Véro, qui va nous attendre à Alhabia.

Grande descente difficile, puis montée et nouvelle descente vers Alhabia. Véronique est venue à notre rencontre.

 

  • À Alhabia, nous nous arrêtons au café pour boire un pot. Ensuite, Dominique André prend la voiture jusqu’à Santa-Cruz. Nous autres, nous marchons sous une grande chaleur le long du Rio. À Santa Cruz, nous mangeons tous ensemble.

  • J’accompagne ensuite Dominique jusqu’à Alboloduy. Nous allons à la mairie où nous n’arrivons pas à rencontrer la alcadesa, Sonia. À l’accueil des pèlerins de l’association, Lola la permanente bénévole se débrouille pour nous faire rencontrer la charmante maire.

  • Celle-ci nous emmène à une auberge qui domine toute la ville. C’est splendide. Un employé de la mairie transporte nos bagages. C’est un gîte dortoir comme on en voit souvent sur le Camino.

    Arrivent les quatre autres. Nous leur faisons signe depuis en haut.
    Sonia nous fait une longue explication sur l’histoire d’Alboloduy, malgré la fatigue des quatre derniers : ils ont marché le long du Rio sous la canicule.

    Le soir nous redescendons en ville pour aller manger dans un restaurant à 20h. La cuisinière n’arrive qu’à 20h30. Elle nous fait une série de petits plats avec beaucoup de viande, de pommes de terre et quelques légumes.

    – la soirée en haut du village est belle.


5ème jour : Jeudi 10 avril  2025 : Alboloduy-Nacimiento

  • Nous nous levons tôt. L’employé de la mairie arrive vers 7h30 pour emmener les bagages en bas. Nous descendons et nous allons manger avec Lola dans l’auberge des pèlerins. Très bon moment tous ensemble. Nous bavardons avec deux pèlerines, Dolorès et …, de Lyon.
    Ensuite c’est le départ : Domino, qui a une grosse ampoule au bon pied, prend la voiture. Nous autres, nous montons par la route pour éviter le canyon.

 

  • Nous continuons ensemble jusqu’au début du joli plateau. Arrêt pour manger tous ensemble.

    J’accompagne ensuite les quatre marcheurs (sauf Dominique) jusqu’en haut de la grande descente vers le rio.

  • Domino et moi, nous partons directement à Nacimiento en voiture. Arrivés au bar restaurant, la clé de l’hébergement nous est donné. Nous installons les bagages en attendant tout le monde.
    Ce sont les retrouvailles. Un super repas nous attend au restaurant. Beaucoup de rires ensemble. Santiago nous rejoint.

  • Nouveau très bon repas le soir dans le bar restaurant qui est en principe fermé. En allemand, Didier, nous a rejoint.

    Encore une magnifique journée.


6ème jour : Vendredi 11 avril  2025 : Nacimiento-Abla

Journée loufoque 🤡

 Labyrinthe en voiture pour essayer de sortir de Nacimiento ! Et essayer de longer le rio ! ⬆️↗️🚗⬇️↘️⬆️🚗⤵️↩️
Puis la voiture est égarée dans les rios, à travers des chemins défoncés : on est prêt pour le Paris-Dakar. On se perd après Doña Maria, on se croise sans se voir (je suis parti à la rencontre des autres par le rio, tandis qu’ils bifurquaient vers Doña María).
Belles vues embrumées sur la Sierra Nevada, ses sommets à plus de 2500 m, et les neiges.

  • – Martine perd ses bâtons : nous faisons demi-tour, Domino, Martine et moi, pour les retrouver : résultat nul
    Retrouvailles après Ocaña.

  • … Beaucoup d’eau dans le rio …

  • Nos éclopés vont mieux 💃🏽💃🏽. Derniers kilomètres sur la carretera.

  • Arrivée fraîche à l’hôtel réservé. Sommes assez déçus. Rien pour le linge, aucun lieu commun… Nous allons quand même pas trop mal manger. Et dodo rapide.


7ème jour : Samedi 12 avril  2025 : Abla-Hueneja

Temps pourri le matin. Petit déjeuner à l’hôtel et départ dans le brouillard.
J’accompagne tout le monde en voiture jusqu’au chemin dans le rio. Domino monte avec moi, nous accompagnons les 4 autres, jusqu’à une impossibilité de traverser le rio. Les prothèses électroniques non plus.
Domino et moi, nous allons jusqu’à Fiñana

 


Difficile de traverser à nouveau le rio. Il faut faire demi-tour par des petites routes… Mais nous nous retrouvons à Fiñana.

 

  • Domi reprend la voiture et va faire des courses. Nous 5, reprenons le chemin vers La Huertazuela qui s’avère plus facile que je l’imaginais…

🏔️ Montagnes de la Sierra Nevada à plus de 2500 m, couvertes de neige.

– Le torrent entre La Huertazuela et Hueneja a été évité (messages de Violeta, notre hôtesse du soir, pour nous prévenir du danger) : nous avons préféré passer par la carretera. Arrivées trempés… Mais c’est sympa de marcher sous la pluie.

« 🎶 I’m singing in the rain 🎶 »

😃 Et la belle récompense ! Accueil dans la grande, rustique, typique maison de Violeta. Hospitalité rêvée. Un bon poêle pour tout sécher… et un super repas préparé par Dominique. Le paradis !


8ème jour : Dimanche 13 avril  2025 : Hueneja-Alquife

  • La plus belle journée depuis le début, malgré le fait que le ciel soit couvert. Nous quittons avec regret la maison de …

– Tout le monde part à pied, sauf moi qui prends la voiture jusqu’à Dólar. J’accompagne tout le monde jusqu’à un moment où la voiture ne passe plus.

 

Je pars à Ferreira, je dépose la voiture et je vais à la rencontre des autres. Nous nous arrêtons dans un bar à l’entrée de Ferreira.

– Yves n’est pas bien. Il prend la voiture avec Véronique.

Les 4 autres, nous grimpons pour arriver au point de vue sur La Calahorra et sa forteresse. Dommage, la météo est couverte… À La Calahorra, nous croisons une procession des Rameaux.

– Nous retrouvons Véronique et Yves plus loin sur la route d’Alquife et nous mangeons tous ensemble…

Je reprends la voiture avec Yves, toujours malade. On se retrouve tous les 6 près des mines de fer.

Yves reprend la route à pied et Domino monte avec moi jusqu’à l’auberge de Manuel, Lacho.

– Nous déchargeons. Arrive une violente pluie. Je vais chercher tout le monde dans Alquife. On s’entasse dans la voiture…

– Il fait très froid. Il y a d’autres marcheurs : un japonais, 2 suisses (Florence et Rémi), un français et un ou deux autres. Nous allumons un feu, mangeons ensemble et nous nous couchons. Je suis complètement crevé… et mon moral est médiocre à cause de la pluie et du froid.

– Je lis quelques pages d’un livre que j’ai acheté sur Bach. Ça fait du bien… Je suis un peu triste de n’avoir pas participé aux fêtes des Rameaux.


9ème jour : Lundi 14 avril  2025 : Alquife-Cogollos de Guadix

Tranquillement. Manuel nous a préparé le desayuno. Je discute avec Florence, une Suissesse de Lausanne.

– Tous les cinq partent, pendant que moi je prends la voiture jusqu’après les mines de fer. Eux continuent en direction de Jerez de Marquesado, face à la Sierra Nevada sous la neige.

  • Les 5 marcheurs ont encore eu des difficultés avec la traversée de rios dans le ravin qui précède Jerez. Heureusement, il y a un pont…

Nous nous retrouvons à Jerez et et nous prenons un pot tous ensemble.

 

– Je repars avec Domi en voiture jusqu’au lac de Cogollos. Le ciel se couvre. Il fait froid et il y a un vent violent. Au col, la température est inférieure à 5 degrés. Dans la descente, une petite pluie glacée. La vue sur la Sierra est bouchée.

Domi et moi reprenons la voiture jusqu’à La Hacienda de Marquesado vers 13h30 : c’est super. Les autres arrivent à pied, frigorifiés. Nous nous retrouvons pour manger. Puis c’est la sieste.

– le soir, nous allons en voiture jusqu’à Guadix (en deux fois, avec Yves au volant). Après un petit tour en ville, nous allons manger dans un très bon restaurant.

  •  

    Retour la nuit vers 20h. Nous arrivons à nous casser à 6 dans la voiture !


10ème jour : Mardi 15 avril  2025 : Cogollos de Guadix-Guadix

Journée exceptionnelle.

  • Moins de 4° en partant le matin. Vent glacial. En plus, le chemin qui rejoint le Camino est barré par un rio. Obligation d’un détour de plus de 2 km. Quelques jolies vues sur la Sierra.

  • Ça va mieux dans le ravin quelques kilomètres avant Guadix.

La voiture passe sans souci. Arrivée sur les cuevas de Guadix, petit tour sur le mirador. Il y a du ciel bleu entre les nuages !

  • – En voiture, c’est un casse-tête pour arriver à la Casona de la Luz, chez Gabi, où nous allons tous loger.

    – Le soir, nous allons assister à un extraordinaire spectacle : une de ces nombreuses processions de la semaine sainte andalouse.
    Paco, membre actif, très actif même, de l’association Mozarabe locale, est venu nous rejoindre et il nous explique quelques aspects de cette fête.

  • 😲 Je suis impressionné par cette capacité espagnole de vivre collectivement et de fêter (ou célébrer) ensemble, enfants, ados, tout le monde, de tels événements, même si on ne partage pas les convictions religieuses. Folklore sans doute, convivialité et solidarité certainement ! On est loin de notre individualisme et « cérébralisme » français. Il me faudrait passer quelques années en Espagne pour me désintoxiquer !


11ème jour : Mercredi 16 avril  2025 : Journée de repos à Guadix

  • Journée de repos. Les uns et les autres vont se promener en ville, pendant que je reste à Casona de la Luz.

    Nous mangeons tous ensemble à notre hébergement. Véronique et moi allons chercher Sylvie et Éric, nos voisins de Voreppe, à la station des autobus.

  • Vers 18h, nous retrouvons Paco devant la cathédrale. Malheureusement nous ne pouvons pas la visiter, en raison de la préparation des processions. Il nous explique quelques points de l’histoire du Mozarabe.
    Nous allons boire un pot dans le café de la belle place centrale, là où nous avions mangé hier soir.

    Ensuite nous montons, sauf Sylvie qui est fatiguée, à Nuestra Señora de las gracias, dans les Cuevas, pour assister à une nouvelle magnifique procession. Nous l’accompagnons jusqu’au château.

  • Soirée paella tous ensemble chez Gabi.


12ème jour : Jeudi 17 avril  2025 : Guadix-Baños de Graena

dernier petit déjeuner chez Gaby.

Tous les cinq partent en traversant la ville, tandis que moi je pars en voiture directement à Purullena. Au passage je prends deux auto-stoppeurs marocains.
À Purullena, je pars en direction de mes compagnons, en passant par le défilé et son fameux poteau. Plaisir de marcher dans la forêt.

Je retrouve tout le monde au début de la forêt, à la fin de la montée qui arrive de Guadix.

Retrouvailles avec le plus célèbre poteau du Mozarabe

– Nous marchons jusqu’à Purullena et nous nous arrêtons dans un bar.

  • Domino reprend la voiture pendant que nous traversons le village, et puis nous allons jusqu’à Marchal.

  • Elle nous rejoint là-bas pour pique-niquer ensemble.

  • Derniers kilomètres toujours aussi beaux avant d’arriver à l’hôtel de Baños de Graena.

  • Le soir nous allons tous manger dans un excellent restaurant. Joyeuse soirée dans un restaurant bruyant et plein de vie espagnole.


13ème jour : Vendredi 18 avril  2025 : Baños de Graena-La Peza

  • Une fois de plus, je conduis la voiture jusqu’à Graena, puis jusqu’au départ du chemin parmi les vignes.
    – Je dois faire un grand détour pour retrouver mes 5 marcheurs. Domino reprend la voiture dans la jolie descente et remontée au-dessus de La Peza.

  • Nous pique-niquons et faisons la sieste sous le Soleil ☀️

  • – Tous redescendent, tandis que je reprends le volant. Hébergement dans la cour de l’école. Nous sommes accueillis par Fermin qui semble être un apprenti hospitalero.

    J’écoute la première partie de la Passion selon Saint Matthieu, de Bach, après avoir comparé des versions. Ai choisi Gardiner 1988

    Repas tous ensemble. Il y a aussi dans le gîte des allemands et des espagnols.


14ème jour : Samedi 19 avril  2025 : La Peza – Tocon de Quentar

Le chemin est court aujourd’hui. Mais la météo est mauvaise.

Après le petit-déjeuner, nous partons sur la ligne de crêtes. Puis je reviens en arrière pour faire des courses à la panaderia.

– En voiture, je prends la route de Tocón, puis je pars à la rencontre des 5 autres marcheurs. Pluie, vent violent : ils l’ont eu dur !

 

 

 

 

Nous montons jusqu’au col. Domi a repris la voiture.

Je reprends la voiture pour aller jusqu’à Tocón. Paco nous attend. Je repars une nouvelle fois à la rencontre des marcheurs.

Une peregrina espagnole s’est jointe à nous : Helena.

– Il fait très froid. Après un repas rapide et des siestes, plusieurs d’entre nous descendent faire des courses à Quentar.

Grosse discussion pour savoir quel est le nom exact de cet animal croisé : Isart ? Chamois ? Chevreuil ? Dahu ?

Le soir nous terminons par un délicieux repas auprès du feu. Nous rions beaucoup.


15ème jour : Dimanche 20 avril  2025 : Tocon-Quentar

  • ❄️ La neige. Eh oui, le jour de Pâques, le 20 avril en Andalousie. La température est de 0° 🥶 et il faut encore grimper plus haut. C’est la preuve que l’axe polaire de la Terre s’est déplacé vers l’Andalousie : décidément, plus rien ne va sur notre Planète 🙃.

  •  

    – Petite route, puis grimpette à travers les bois pour retrouver le camino (Tocón est en effet à l’écart). La voiture doit faire le tour, mais c’est carrossable. Malgré le froid et la neige, c’est un beau chemin avec de jolies plongées vers le bas. Mais aucune vue sur la Sierra, naturellement.

 

– Après une jolie descente en zigzags, le chemin remonte jusque vers un point de vue bouché, puis continue, toujours sous la neige vers la carrière de craie où se situe le plus haut sommet du Mozarabe (1440 m). Mais nous sommes dans la brume.

3 d’entre nous redescendent en voiture, tandis que les 5 autres entament la longue descente, glissante parfois, jusqu’à Quentar. Hôtel confortable, pas cher.

Repas dans une chambre, siestes, promenades et soirée dans un restaurant de tapas.


16ème jour : Lundi 21 avril  2025 : Quentar – GRANADA

  • Ouf, le beau temps est revenu. Il reste 17 km jusqu’à Granada. L’une d’entre nous a de violentes douleurs du membre fantôme et préfère ne pas marcher. Nous nous séparons en deux (6+2), car la voiture ne peut pas accompagner les 6 marcheurs. La route ne croise qu’à un endroit… – Grimpette sans problème sur la rampe de 3 km et le long de l’aqueduc abandonné. Puis c’est la magnifique ligne de crêtes, avec la Sierra à gauche et d’autres montagnes à droite.

  • De mon côté, je pars à pied à la rencontre des 6 autres, à partir de l’autre extrémité. C’est là que j’apprends la mort de Jorge-François (le pape). Nous nous retrouvons avant l’exceptionnelle descente vers Granada. Oliviers, cuevas, monastère Sacromonte, vue sur l’Alhambra.

  •  

    – La voiture redescend par un autre côté et se perd dans les petites rues du centre ville et surtout dans celles de l’Albacin (avec notamment un passage de 1,80 m de large). – Nous dormons tous et toutes dans le monasterio San Bernardo où nous goûtons, une fois de plus, la sympathique hospitalité de la famille qui prend soin du lieu. Le monasterio est situé juste en face de l’Alhambra… 🎶 « Soirée dans Grenade » est le nom d’une pièce pour piano de Debussy, que je joue -mal-.

  •  

    —- 💃🏽Oui, en effet, Granada, c’est aussi la musique et le flamenco : il existe un météore musical 🎶 de 12 pièces absolument géniales d’Albeniz nommé « Iberia » dans lequel sont évoqués de nombreux quartiers de Granada : œuvre d’une virtuosité étourdissante ! À écouter dans l’interprétation d’ Alicia de Larrocha-. 🤫 Et si je vous confiais que l’un des moteurs qui m’a poussé vers le désir de découvrir le Mozarabe, c’est cette œuvre d’Albeniz, me croiriez-vous ?…


17ème jour : Mardi 22 avril  2025 :  JOURNÉE à GRANADA

  • quatre d’entre nous sont montés visiter l’Alhambra

 


 Véronique et moi, nous allons boire un pot avec Sylvie et Éric, en centre-ville. Ils repartent vers Malaga.

– Nous faisons un peu de shopping dans la ville de Granada. Et nous nous arrêtons pour boire un thé dans une jolie maison, avec un un patio en bois.

 

Puis nous nous retrouvons les 6 autres, dans un super restaurant, Bongo. Le serveur, d’origine marocaine, est super sympa. Nous rions beaucoup tous ensemble.

– Dominique et Martine nous quittent à leur tour en fin d’après-midi.

Petit blues du soir.

 

– vers 21h30, Véronique et moi, nous sommes invités à une petite cérémonie de bénédiction des pèlerins à l’intérieur du monastère. Nous découvrons des merveilles.


18ème jour : Mercredi 23 avril  2025 :  Retour

  • C’est le retour.

    Nous prenons un petit déjeuner, les quatre restants (Yves, Dominique, Véronique et moi) dans le même petit bar d’hier, avec son patio en bois.

    – Puis c’est le départ en voiture jusqu’à Malaga. Belle route, mais tours et détours pour se repérer dans la grande ville. Nous nettoyons la voiture et nous la retournons à l’agence de location.

    – navette, retrouvailles avec Sylvie et Éric, queue pour l’enregistrement. Derniers adieux avec Dominique Gorse qui part de son côté vers Nice.

  •  

    Avion entre Malaga et Lyon sur Volotea. Je suis près du hublot. Il pleut à Lyon.

    – Bus jusqu’à Grenoble. Nous ramenons Sylvie et Éric à Saint-Égrève, malgré des problèmes de démarrage de la voiture.

    Et gros dodo.

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Idéalisme et idéologie

Idéaliste, Hegel ? En relisant mes notes depuis plus de 40 ans, je m’aperçois que j’ai toujours été retenu, voire agacé, par rapport à l’idéalisme (SAUF… Voir plus loin). Vous me pardonnerez, mais ce que j’écris est du premier degré (*).

 

🟠 Du point de vue philosophique, j’ai toujours préféré Aristote, l’analyste de la réalité naturelle et ancêtre de la logique et de la méthodologie scientifique, à Platon, l’amoureux des grandes idées et quelque peu méprisant à l’égard de la matière et du peuple (et à l’origine de nombreux dualismes pervers dans l’histoire de la philosophie et des religions). Bien sûr, je souscris à leur sens commun de la dialectique, l’un et l’autre : comment ne pas admirer Socrate ?

🟠 D’un point de vue socio-économique, j’ai animé un groupe de travail autour du débat entre le sociologue américain John Rawls (et sa théorie de la justice) et l’économiste indien Amartya Sen (auteur notamment de « L’idée de justice »). Le premier propose une sorte de société idéale qui finalement est impossible à réaliser, même aux USA. Le second se penche sur les problèmes réels (de son pays en priorité) qu’il propose de résoudre au cas par cas, en s’appuyant sur le principe de subsidiarité.

🟠 Du point de vue théologique, je préfère Moïse, descendant de sa montagne en colère, aux Hébreux qui adorent le veau d’or, c’est-à-dire l’homme de la Torah et de l’Alliance face aux idolâtres (idéalisme et idéologie ont quelque chose à voir avec l’idolâtrie et la magie). Je préfère aussi la théologie négative de Grégoire de Nysse, de Maître Eckhart, ou la spiritualité du Carmel, aux envolées lyriques d’un Bossuet (trompette de Louis XIV), d’un Dante (indépendamment de son fascinant génie poétique que je relis toujours, subjugué) ou aux réponses simplistes des thomistes (mais pas de Thomas d’Aquin, infiniment plus subtil que ses disciples).

🟠 Du point de vue musical, je suis bien plus sensible au lyrisme d’Alban Berg ou aux subtils silences de Debussy (lire Jankélévitch à ce propos) qu’aux grands développements musico-idéologico-politiques d’un Berlioz et de nombreux romantiques qui me laissent assez indifférents. En ce qui concerne les musicologues, Adorno et l’École de Francfort me paraissent beaucoup plus pertinents que les bavardages de Michel Onfray sur la musique.

🟠 D’un point de vue éthique, je préfère la casuistique jésuite à tous les moralismes de droite, de gauche, de dessus ou de dessous, même celui de Pascal, si admirable par ailleurs… Et je souscris volontiers (sans l’admirer) à la vision culturelle et artistique de Chateaubriand, malgré sa superficialité racoleuse et ses idées rétrogrades, qu’aux beaux romans moralisateurs de Victor Hugo. Pourquoi ? Parce que Chateaubriand regarde d’abord ce qui est (sorte de réalisme parfois naïf), tandis que Victor Hugo regarde, avec plein d’a priori, ce qui devrait être (avec le risque de solutions précipitées et simplistes aux problèmes de son temps). Qu’on ne s’y méprenne pas, ces écrivains sont extraordinaires. Je me situe par rapport aux présupposés (idéologiques, politiques ou existentiels) de leur écriture.

——–+

SAUF ? SAUF que je penche beaucoup plus vers Hegel (qu’on prétend idéaliste) que vers Kant et sa morale assez hautaine en fin de compte (même si j’admets qu’il reste très sage et qu’il la formule sous une forme qu’on pourrait appeler apophatique).

⭕ Pourquoi j’aime Hegel ? D’abord parce que quand on me pose une question ou un piège philosophique, j’aime renvoyer mon questionneur à un moment ou une figure de la pensée de Hegel. Ensuite, parce qu’il est mon plus fort appui de compréhension de la philosophie, en dépit des limites des représentations de son époque (notamment scientifiques). J’ajoute qu’il redonne au temps, à l’histoire, au « travail du négatif » et à l’Esprit, un poids ontologique que l’on trouve assez peu parmi les philosophes des Lumières et les révolutionnaires de 1789. Il y a quelque chose de la théologie négative chez le philosophe de Berlin, quoiqu’il l’intègre sous une forme dialectique extrêmement intelligente : dialectique bien plus puissante que celle d’Aristote. Je ne suis pas sûr que Marx l’ait si bien compris que cela… Même si la critique de Marx n’est pas sans bien-fondé.

🤚🏼 Cela dit, pour éviter toute idolâtrie ou tout préjugé, je contrebalance la pensée de Hegel avec celle de Bergson et des penseurs juifs du 20e siècle (Hannah Arendt par exemple), de Teilhard, de Whitehead et sa Process Philosophy, de la phénoménologie (Husserl surtout), de l’École de Francfort déjà citée (et de sa critique des Lumières et du Romantisme), des philosophes de l’écologie (Jonas, Morin, Isabelle Stengers, etc.), et bien sûr de la réflexion des scientifiques et des philosophes des sciences… Et je n’oublie pas la théologie et l’exégèse scientifique, qui représentent les lieux du plus grand bouleversement théologique chrétien et juif depuis le 13e siècle, voire depuis les origines du Christianisme dans un contexte juif.

Car ce qui manque dans la pensée de Hegel, ce sont d’une part le mystère des relations interpersonnelles qui est à la base de ma propre pensée, d’autre part un socle scientifique, biologique et cosmologique solide, enfin une confrontation avec les horreurs de la guerre et des génocides dont le 20e siècle a été le témoin.

—- merci d’avoir eu le courage de lire cet article jusqu’au bout. Je rappelle qu’il ne s’agit que d’un premier degré de réflexion. Vous la retrouverez, plus développée, sur mon blog personnel et dans mes livres futurs.

—- Illustration : Le veau d’or, de Chagall (un de ses thèmes favoris) —

(*) Dans mon prochain livre (tome 2 des investigations trinitaires), je développe ma propre méthodologie concernant les degrés analytiques d’une réflexion pertinente. Patience : ça arrive.

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