Lors des marches sur les différents Caminos de Compostela (soit 4200 km sur plus de 300 jours), j’ai dû dormir une vingtaine de fois dehors (étapes trop longues pour un handicapé et plaisir de dormir à la belle étoile). J’ai bivouaqué dans des forêts, dans des vignes, sous des oliviers, contre une meule de foin, sur une colline dans une prairie, dans un bosquet de bambous (extra), près d’une église (catastrophique), dans des parcs et même dans une caravane abandonnée. Cela vaut bien quelques idées (ou conseils) pour l’une ou l’un d’entre vous.
1. De préférence, NE PAS BIVOUAQUER PRÈS D’UNE HABITATION OU D’UN VILLAGE.
- Personne n’est à l’abri d’une mauvaise surprise. Pour les dames, veiller à ne pas être suivie.
- Il y a des chiens qui aboient et parfois rôdent.
- Le bruit et les lumières des voitures, voire des tracteurs qui rentrent, sont agaçants.
- Être prudent avec sa torche et s’installer quand la nuit tombe (pas trop tôt pour ne pas être repéré).
Bien sûr, on peut toujours demander à quelqu’un un lieu où dormir : il est préférable que ce soit quelqu’un de sûr. Je n’ai jamais eu de problèmes.
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2. Corollaire : dormir à la belle étoile permet :
- de goûter la solitude et les merveilles de la nature.
- de s’émerveiller des levers du Soleil et dans la nuit, de contempler les étoiles et de sentir la Terre tourner sur elle-même (Oui, parce que ce n’est pas le Soleil qui tourne autour de la Terre).
- de profiter des premiers instants de marche après le lever du Soleil qui sont souvent les plus extraordinaires.
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3. Si dans la nuit, vous voyez une nymphe ou une ondine (pour les messieurs) ou un faune (pour les dames), pas de souci : vous êtes en train de dormir.
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4. ÉVITER DE DORMIR PRÈS D’UN POINT D’EAU
– Moustiques et autres petites bébètes inévitables, sans compter le concert des grenouilles.
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5. MON PLUS GROS PROBLÈME et peut-être le vôtre : le FROID.
- Je ne suis jamais parvenu à vaincre ce problème. De plus, le moignon, mal vascularisé, est souvent glacial au lever.
- Démonter sa tente ou ranger ses affaires quand les mains sont gelées, ce n’est pas évident… même si la marche qui suivra réchauffe l’organisme.
- Remarque : ce n’est pas spécifique au bivouac. À Salamanca, j’étais gelé et j’ai dû acheter une doudoune.
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6. Autre souci, l’HUMIDITÉ ou LA PLUIE (notamment en France et en Galice).
- Regarder la météo si possible avant de bivouaquer. Et s’il n’y a pas d’autres solutions :
- monter sa tente avant la pluie.
- S’il n’y a pas de tente, laisser tomber s’il va pleuvoir. Mieux vaut alors aller jusqu’au prochain village, s’abriter (porche d’une église ou d’une mairie) et souffrir jusqu’au lendemain…
Plusieurs fois, je me suis fait avoir par l’humidité, notamment en Galice et en Gascogne. Jamais en Andalousie. Pour sécher, c’est compliqué. En Espagne, heureusement, le Soleil revient assez vite. Toutefois, la dernière fois que je suis arrivé à Santiago, mes vêtements étaient moites et n’ont séché qu’au bout de 3 jours, L’hébergement n’avait pas de chauffage…
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6. MATÉRIEL
- En France, une tente. En Espagne, un sursac. Ai rencontré une jeune femme qui dormait dans un hamac. Je n’ai jamais essayé.
- Prévoir un bon matelas gonflable et un sac de toile dans lequel on peut mettre ses vêtements pour l’oreiller.
- Bien veiller à ce qu’il faut pour les soins : notamment du PQ pour les besoins dans la nature et éventuellement des lingettes pour se nettoyer. Des petits sacs pour jeter dans une poubelle.
Moi, comme oreiller, je me sers de ma prothèse que je place sous le sac.
- Bien sûr, un sac de couchage qui garde la chaleur : malheureusement, je n’en ai pas et ça coûte cher !
- NE PAS OUBLIER DE QUOI BOIRE et éventuellement de quoi manger.
Voir Mahdi du Camino pour plus de détails.
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7. LES ANIMAUX.
- Les gros : à titre personnel, cavalcades de chevreuils (c‘est chouette), renards, écureuils, lapins, et même une loutre une fois. Pas de sangliers. Des oiseaux (vautours, coucous, pies, outardes, hérons, cigognes…). Petits bruits très sympas la nuit : la nature est habitée. Un vrai plaisir.
- Les animaux domestiques : mieux vaut les éviter. Ai dormi une fois près d’un troupeau de moutons (Quercy). Clochettes toutes la nuit, et possibilité d’un patou (qui n’est heureusement pas venu) ! Pas près d’un âne non plus : alors là, c’est le réveil en fanfare assuré. Quant aux vaches, le danger est celui des mouches.
- Les petits : faire gaffe aux insectes. Je n’ai jamais eu de souci. Il faut toutefois veiller aux fourmis et surtout aux tiques dans les grandes herbes. Quant aux serpents et aux scorpions, ils ont plus peur que nous.
- Le CAUCHEMAR : les chiens sauvages, abandonnés et ceux qui aboient toute la nuit.
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ANECDOTES
- – Des chevreuils et peut-être même des cerfs ont tourné une bonne demi heure autour de moi, dans une forêt du Quercy. Les cris des chevreuils sont comme des aboiements tristes. Cela m’a longuement impressionné.
- Une fois, je m’étais installé dans un bois (en Castille). Un tracteur est passé plus bas. L’agriculteur est descendu et un autre l’a rejoint. Ils ont regardé un long moment dans ma direction. Ils m’avaient vu. J’ai pris mes affaires et ai été dormir 5 km plus loin.
- Une autre fois, alors que je dormais dans une prairie, le propriétaire du terrain m’a vu, il est venu m’apporter des sandwichs, des boissons et des gâteaux. Sympa, non ?
- Sur le Chemin Piémontais, en me réveillant un matin, tout était gelé. Mains glacées, le démontage de la tente a été très long et compliqué, En marchant quelques centaines de mètres, je me suis arrêté près d’un âne, je l’ai caressé et j’ai réchauffé les mains contre sa toison… tout en lui faisant écouter la Septième Symphonie de Beethoven.
- Après Salamanque, j’ai dormi dans un champ. Malheureusement, il y avait un chemin pas loin que je n’avais pas vu. Dans la nuit, une voiture est passée, a fixé ses feux dans ma direction et est resté un long moment ainsi. Je me suis dressé : la voiture est alors partie.
- J’ai dormi sous des oliviers en Andalousie. Nuit extraordinaire sous les étoiles, température agréable. Pas d’insectes. Le lendemain matin, j’avais des petits boutons sur le visage : j’ai songé à une plante allergène. Mais plus tard, je me suis demandé avec quels produits chimiques on arrosait les oliviers !
- Après Pampelune (Pamplona), j’ai dormi sur une pelouse près d’une église. Pas de bol : grosse lumière dans la patate, puis cloches tous les quarts d’heure et pour arroser le tout : pluie dans la nuit. J’ai dû repartir avant l’aube.
- En Gascogne ; J’ai monté une fois ma tente sous un orage ! Il est arrivé plus vite que prévu. Pas marrant pour ensuite entrer tout trempé dans la tente. Quant au lendemain, j’ai dû transporter la tente toute humide sous une météo maussade.
- Dans le Languedoc, j’ai une fois installé ma tente sous des éoliennes. Mauvaise idée : ça fait un de ces bruits !
- J’ai dormi une fois sur une plage (Hendaye) : tranquille jusque vers minuit où une bande de jeunes est arrivée. L’un d’entre eux a fait pipi à une vingtaine de mètres de moi… Mais on ne m’a pas vu.
- Dans un village, en Castille, nous étions deux. On nous a indiqué un joli parc. Malheureusement, un chien a aboyé toute la nuit…
- Sous le Pont du Diable, avant Saint-Guilhem-le-Désert, il était interdit de camper. Site extraordinaire, mais perturbé par l’idée que la Maréchaussée débarque en pleine nuit pour me virer.
BREF MIEUX VAUT DORMIR LOIN DES HABITATIONS : des bois, des coins sauvages, dans le silence et la solitude. C.Q.F.D.
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BON, il ne faut pas s’arrêter sur ces mauvaises anecdotes. En réalité, dormir dehors est une expérience inoubliable, même avec une jambe amputée. À titre personnel, je m’endors très facilement, mais souvent je m’éveille dans la nuit : c’est le moment de méditer, de contempler la nuit et ses significations, de profiter de sa réserve de psaumes et de prières. Quant au matin, c’est souvent juste avant l’aurore que je me réveille.