Investigations trinitaires (12) : Pourquoi la Trinité ? (A)

INVESTIGATIONS TRINITAIRES (12) – Pourquoi la Trinité ? -début-.

Résumé : L’article présent est très long. Qu’on m’en excuse. Dans un premier temps, j’essaie d’expliquer pourquoi je n’ai basculé ni dans l’athéisme, ni dans l’agnosticisme. Puis Je raconte l’illumination, d’abord brutale et fugitive, puis progressive, que fut l’aventure biblique et surtout le mystère de l’alliance, propédeutique personnelle pour entrer dans le tourbillon trinitaire.

Investigations trinitaires 10 et 11 – Théismes face à Job – Article précédent


Après cet exposé des diverses figures divines et leurs limites face à la figure de Job, face à la figure du juste souffrant, du mal innocent, et par-delà de la mort non seulement des individus, mais encore des espèces, voire des cultures et des civilisations, par delà aussi les génocides -et je pense chaque jour à Auschwitz-, le lecteur de ces pages doit s’interroger : « pourquoi la Trinité plus qu’autre chose ? Pourquoi la Trinité, tout simplement ? Pourquoi ne pas rejeter toutes ces fictions religieuses et se contenter de vivre et de penser à l’intérieur de ce qui nous accessible ? ». Bon, ce n’est pas si simple. La Trinité pourrait être considérée comme une figure divine de plus… ou une composition synthétique de plusieurs de ces figures ? Oui, pourquoi pas, et j’accepte l’objection. Mais ces spéculations ne sont-elles pas encore très intellectuelles ? Si j’ai évoqué dans l’article précédent la figure de Job et l’interrogation existentielle, ne serait-il pas dommage de retourner, sans précautions, à des considérations exclusivement intellectuelles, tandis que je suis assis, tranquille, dans mon bureau devant l’ordinateur. Et pourtant !

La méditation et la spéculation intellectuelles sont nécessaires. Loin de moi l’idée de les écarter, bien au contraire. Elles sont partie prenante de mon fonctionnement intérieur et de mon langage. Mais elles n’interviennent que dans un second temps certes, comme la relecture lors de la pause indispensable après la fatigue de la marche. Elles permettent de fixer les mots et les représentations de ce qui a été vécu et expérimenté. À titre personnel, mon illumination trinitaire a pris une forme intellectuelle, même si l’événement initial, son contenu et son développement ont relevé de la sensibilité, de l’émotion et de la vie du corps.

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Pourquoi pas l’athéisme ?

Une autre interrogation se pose avant d’essayer de répondre à la question du pourquoi de la Trinité. Pourquoi pas l’athéisme, ou pourquoi pas éventuellement l’agnosticisme ? Ils ont déjà été évoqués dans les articles précédents. Toutefois il peut être bon, ici, d’en développer quelques lignes plus consistantes qui rendent compte de mon non choix. Soyons honnête : l’athéisme, même s’il reste de l’ordre de l’attirance intellectuelle, me tente régulièrement. Cet attrait est alimenté par l’évolution des sciences qui démontre à chaque avancée notre nature conditionnée et non accidentelle, liée à ce monde-ci (et non à un autre), que ce soit sous l’angle physique, sensible ou sous l’angle psychique et mental ; Il est alimenté des trous de la théologie, concernant notamment ces faits scientifiques, du comportement instable, irresponsable ou cynique de maints acteurs des religions, du fanatisme fréquent qui confond méditation sur le mystère et fascination de l’absolu, etc. Il n’est pas difficile de bâtir tout une argumentation, historique ou spéculative, sur un athéisme nourri des méfaits des religions et des croyances.

Cependant l’athéisme se heurte à des réalités fortes.

Tout d’abord, nombre d’athées se voilent le visage face aux monstruosités que l’athéisme d’État a produit dans de nombreuses nations, au cours du Vingtième Siècle : Allemagne nazie, Goulags de l’Union Soviétique, génocides cambodgien de Pol Pot… ; la Chine est un peu à part, car il s’agit d’un athéisme coloré de confucianisme, et, peut-être à tort, je vois le communisme chinois comme une continuité des impérialismes précédents, imprégnés d’une religiosité déjà athée. L’aveuglement, voire le mensonge vis à vis des totalitarismes athées, est souvent excusé par le fait que « la religion » a aussi produit des horreurs. Aujourd’hui, c’est elle, la « Religion » (avec un grand R), qui est accusée des maux de notre temps : terrorisme, anti-démocratisme, théologies douteuses qui ont justifié la dérive vers la crise écologique, spiritualismes pervers qui manipulent les esprits faibles… sans oublier les éternelles références aux croisades, à l’Inquisition, aux guerres de religion, à la colonisation, aux justifications des esclavages. Plus récemment, mes marches sur le Camino de Compostelle m’ont placé face à l’abomination que fut le régime du Caudillo Franco, qui se revendiquait comme catholique !

Pour en revenir à la valeur culturelle et historique de l’athéisme face au Christianisme dont je suis redevable, je me situe, pour l’instant, dans la position de Chateaubriand dans son « Génie du Christianisme » et je m’interroge : l’athéisme, à la différence de la civilisation chrétienne, musulmane ou confucianiste par exemple, a-t-il produit une seule culture ? Une seule civilisation ? À ce jour, les vastes tentatives de civilisation fondées sur l’athéisme ne semblent pas avoir produit autre chose que des totalitarismes. Le seul athéisme qui semble s’accommoder d’une culture serait celle de notre occident marchand, capitaliste : mais est-ce une culture ?

La négation des totalitarismes historiques du Vingtième Siècle par nombre d’athées atteint indirectement quelques unes des lignes directrices de ma navigation autour du mystère trinitaire : celle de la vérité et celle du rapport de la parole à l’idéalité. L’aveuglement de nombre d’athées face aux dérives des athéismes d’État est un mensonge inconscient, une fascination d’un idéal qui cache l’être. Oh, je ne parle pas du nazisme, mais plutôt du communisme qui était et peut-être encore est porteur d’une vision humaniste. Or le mensonge est la perversion, voire la division, entre l’esprit et la parole… le contraire du symbole (qui signifie « jeté ensemble »), le « diabolos » (qui signifie « jeté en travers »). On pourrait même dire qu’il est la décomposition du triangle analogique et dynamique être-parole-esprit, l’être étant ici accordé au réel historique. Je reviendrai ultérieurement sur les concepts de parole et d’esprit qui sont chargés de sens multiples, non sans équivoque souvent.

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Une autre raison de ma résistance, non historique celle-là, est que l’athéisme ne donne pas de sens à l’existence d’un monde, encore moins à l’existence d’être conscients et aimants, ni à l’action et à la passion. Je m’interroge ici sur l’athéisme existentiel. Je ne parle pas ici des différentes formes d’athéisme politique. Pourquoi agir, si c’est pour que nos œuvres et nos passions sombrent dans le néant ? s’interrogeait Pierre Teilhard de Chardin. Par pure gratuité éthique ? comme le suggère Kant. Ben voyons, c’est bien élitiste, tout cela. Par amour du « bien » en soi ? Comme cela a déjà été rappelé dans un article précédent, qu’entend-on sous la notion de « bien » ? Et plus généralement, par rapport à cette belle générosité gratuite, quel sens et quelle place y a-t-il pour les êtres brisés, cassés, incapables de cette belle morale très cérébrale ?

Cela dit, nombre de fidèles des religions feraient bien de s’interroger aussi sur leur désintérêt à l’égard de l’activité humaine, du sens de l’existence de notre monde tel qu’il est, avec ses défauts… et non tel qu’ils voudraient qu’il soit. Désintérêt aussi à l’égard de la vaste épopée historique et cosmique et de notre appartenance ontologique à la biosphère terrestre, à l’univers vivant, végétal, animal. Le monde est une vallée de larmes, pense-t-on dans de nombreux milieux religieux, en s’arrêtant sur les états d’âme… et la solution est dans un au-delà consolateur et justificateur. Les célèbres phrases de Karl Marx sur la religion comme opium pour se soulager de la vallée de larmes sont toujours pertinents, même si son idéologie du dépassement du religieux a pris un coup de vieux. Dans l’article précédent qui concerne le magnifique hymne de la Création du Livre de Job, j’ai mis en évidence l’importance de l’émerveillement et de la participation active des femmes et des hommes à la poursuite de la création.

Le sens de notre œuvre est ici et maintenant, avant d’être dans un éventuel au-delà. Le même Pierre Teilhard de Chardin, sur lequel je vais revenir, ose parler de « divinisation » des activités humaines. Mais ce n’est pas tout. Il ajoute également divinisation des « passivités humaines » (douleurs de croissance et douleurs de diminution) ! Les douleurs de l’enfantement, selon la vision de Paul, qui l’a beaucoup influencé ? Sans doute, mais Paul n’allait pas aussi loin. Waouh, faut avoir le courage de le dire ! Dans la ligne teilhardienne, les douloureuses expériences de la vie peuvent conduire à un choix redoutable entre confiance consciente et abandon absurde : et ce choix est « divinisable ».

Que le lecteur me pardonne, d’une part je me répète d’une part, d’autre part j’anticipe sur la suite… tout en désirant marcher sur des œufs. A-t-on le droit de donner sens à la souffrance des autres ? La question du sens de l’action et de la passion, bien plus encore que celle de la vérité, me protège de la tentation de l’athéisme. Oui, on peut espérer avec la force de la raison et de la confiance que nos œuvres et nos douleurs d’ici et maintenant ont du sens par-delà notre vision immédiate. Je reste toutefois prudent, et je l’ai écrit dans le chapitre sur Job : ce ne sont pas les souffrances qui ont du sens, mais la capacité des hommes et des femmes, à titre individuel ou collectif, à lutter contre elles et à les apprivoiser, les intérioriser. Ainsi prennent sens les sciences, les arts, le langage, la philosophie, le droit, la convivialité, les échanges, le corps humain… et même les religions quand elles sont adéquates à cette signification. Et plus largement la créativité sous tous ses angles. L’athéisme aveugle n’est pas capable d’entrer sur ce terrain dangereux…

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Autre raison de ma réserve à l’égard de l’athéisme, découverte plus récemment : à qui profite le discours de l’athéisme ? Aux communistes, aux hédonistes, aux anarchistes, aux scientistes, aux penseurs de l’absurde ? Peut-être. Je ne sais pas. Pas au plus profond, en tout cas. L’athéisme profite avant tout au capitalisme marchand. D’où son succès actuel : Créées par l’absence de sens de notre activité ou par le refuge inassouvi dans des idéologies politiques ou épicuriennes, les frustrations conduisent de nombreuses personnes à désirer se réfugier dans le confort et la sécurité. Climat socialement inconscient et plus craintif qu’il n’en paraît. Qui prétend apporter ce confort, cette sécurité ? Le marché et la boucle fermée consommation-production… Je place consommation avant production à dessein. Oh, naturellement, le profit que capitalisme marchand tire de l’athéisme ne crève pas les yeux. Beaucoup se plaignent de conditions de travail difficiles, de stress dans les déplacements, de harcèlements divers, de « non sense », de fuite en avant dans notre société de marché. Mais là aussi, à qui profite cette situation ? Il faut produire, il faut consommer… pour notre « bonheur », pour la « croissance » ! Quelle croissance ?

Une croyance théiste qui donne un sens différent à l’aventure humaine et à chaque personne peut être subversive. Communisme, anarchisme, hédonisme, etc. ne représentent que des reflets essentialisées, provisoires et vains pour se sortir provisoirement, à horizon immédiat et instantané, du « non sense », en miroir au capitalisme marchand qui les exploite. Ces idéologies ne sont que la face inversée et faussement contradictoire du capitalisme. Une sorte d’antithèse dialectique, au sens hégélien du terme. Dialectique inachevée. Pas une vraie alternative. Le capitalisme sait bien profiter de ses antithèses.

À cela s’ajoute un second méfait du capitalisme marchant : l’individualisme. Séparer les individus, soulever de la méfiance et de la jalousie, faire disparaître tous les structures collectives ou conviviales qui peuvent gêner la libre vertu du « Marché » (associations, institutions sociales et culturelles, églises, etc.), bref tous les intermédiaires, bref tout ce qui peut créer de la solidarité et de la parole, sont bons pour la consommation effrénée. Sorte de projection du taylorisme du côté de la consommation. Méfiance contre confiance solidaire, jouissance individuelle contre construction d’un sens commun, richesse contre partage… L’athéisme n’est pas la source de cette situation, sauf quand il est explicitement « matérialiste ». J’écris seulement que le rouleau compresseur capitaliste en profite bien.

Soyons équilibré. Le capitalisme libéral profite aussi des religions et sait bien les instrumentaliser. Il serait trop long de développer ici ce point.

La crise écologique est un détonateur bien plus énergétique pour révéler nos aveuglements que les anciennes idéologies du Dix-Neuvième Siècle : la matière, l’énergie, la vie ne sont pas des ressources infinies et si universelles que cela, comme l’ont cru et le croient encore toutes les idéologies et toutes les pratiques qui réduisent l’existence humaine à son attribut économique. Le Livre de Job, cri du sujet que j’ai élargi aux dimensions collectives, reste le véritable interrogateur du sens.

Nota bene : je ne pose aucune condamnation, bien au contraire, à la nécessité de s’enrichir, de se réconforter, dans son foyer chaleureux… Mais je pose la question : dans quel but ? Avec quelle signification ? Avec quel sens de la justice et du vivre-ensemble ? Et dans quelle mesure ?

À ce stade de la réflexion, l’athéisme présenté est aussi à comprendre à un second degré de ma méthodologie personnelle. Athéisme contre religion : premier degré. Athéisme comme perturbateur du religieux, et inversement expérience religieuse comme perturbatrice de l’athéisme. Là, l’idéologie athée, comme critique, retrouve une pertinence qu’en tant qu’idéologie fondamentale, il ne possède pas. L’athéisme, comme interrogation des croyances naïves et des abus religieux, permet de complexifier la réflexion sur le sens et la vérité, là où celles-ci pourraient se contenter de quelques réponses trop simples, comme le proposent certains prosélytes des religions. Ma prudence se situe en rapport à l’athéisme de principe, celui du premier degré : il ne me paraît pas une piste acceptable pour répondre aux limites des figures divines proposées dans les articles précédents.

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Agnosticisme.

L’agnosticisme alors ? Si je me lance sur le thème de l’agnosticisme, je risque de ne jamais arriver au terme de cet article. Être agnostique semble une voie sage : au fond, dit l’agnostique, je ne sais pas. Mes sens, mon expérience, mon imagination, mes désirs et frustrations, mes catégories de pensée limitent mes capacités d’atteindre une quelconque vérité en soi… A fortiori, un sens. La position agnostique est apparemment sage, la sagesse de nombre de grands philosophes.

Peut-être sagesse trop prudente, pensai-je. L’acceptation de ne pas savoir est une propédeutique philosophique ou éthique à une attitude d’indifférence, prélude à un éventuel chemin de confiance -mille excuses pour cette apologétique voilée-. Mais oui. L’agnosticisme représente ainsi une position de repli nécessaire face aux réponses précipitées. Il sert de rempart aux métaphysiques accélérées. Bien. Mais il peut aider à l’indifférence intellectuelle et spirituelle, si indispensable à la recherche, qu’ont revendiqué de grands penseurs laïcs ou religieux. Ainsi qu’Ignace de Loyola propose à ses disciples d’être indifférent à tout, pour pouvoir entrer dans une démarche «spirituelle » ou théologale. Le fondateur des jésuites se retrouverait dans la phénoménologie de Husserl et son « époché », suspension de toute projection idéale ou sensible sur la réalité. Il existe à mes yeux une complicité souterraine de l’agnosticisme philosophique avec les spiritualités dites de la « nuit mystique », de Grégoire de Nysse à Jean-de-la-Croix. C’est ainsi que je lis, par exemple, la philosophie de Wittgenstein.

Je reste un chercheur, un marcheur, un nomade, même handicapé. Cesser de trop penser et se reposer, sous prétexte que l’imagination et la raison sont limitées, est nécessaire. Le silence est une excellente thérapeutique, après le vagabondage. Être agnostique permet de s’enfoncer dans le silence. Mais voilà : il est aussi nécessaire de repartir. Je ne peux me satisfaire de demeurer dans l’auberge, à attendre que la pluie et le vent s’arrêtent. Je ne peux me contenter de rester assis dans un gîte confortable, en écoutant mes compagnes et compagnons me souffler : « Nous ne savons rien. Est-il nécessaire d’aller voir plus loin ? Le chemin n’est-il pas trop dur, ou trop illusoire ? ». À cette apparente et sage prudence, je réponds : « Allons-y quand même ! On verra bien ! Peut-on refuser les risques et l’affrontement des périls ? ». Quelle que soit la variété de nos expériences de vie, il faudra se heurter à la question de Job, à la souffrance de l’innocent et à l’injustice, aux guerres, aux génocides, aux famines, aux épidémies, à la vieillesse ou la décadence, à la mort. Anticipons et ne repoussons pas à demain. L’histoire du monde est celle de combats et d’essais de créativité pour faire reculer les maux et souffrances. Elle est celle aussi de la recherche de sens et de vérité.

Voilà ce qui me conduit à ne pas me soustraire aux interrogations et aux moyens d’agir, à ne pas me dérober dans l’agnosticisme. Et puis, quand je chemine, je poursuis un chemin déjà emprunté par d’autres, je m’appuie sur un sol -solide-. J’utilise des cannes anglaises ou des bâtons de marche construits par d’autres. Je ne suis pas seul.

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Bilatéralité des théismes et des athéismes.

J’ai le souvenir d’un personnage, dans un roman de science-fiction, qui rejetait toutes les religions et toutes les métaphysiques, parce qu’elles se contredisaient entre elles. A contrario, ce rejet en raison des contradictions offre à mes yeux l’argument contraire. D’une part, il y a des contradictions parce que nous n’avons pas suffisamment cherché… Je reste pathologiquement hégélien ! D’autre part, les réponses aux questions profondes sont au-delà de notre langage et appellent à trouver d’autres voies pour se dire. Le contraire d’une vérité profonde est également une vérité profonde, disait un penseur… Mais je ne sais plus lequel.

Par ailleurs, soulignait le même personnage de science fiction, les religions sont occasion de guerres sans fin. Doit-on sempiternellement revenir sur les dégâts des religions, mais aussi des non religions ? OK, une dernière fois, avant de clore l’objection. Guerres sans fin ? vrai et faux. Vrai, historiquement et géographiquement parlant. Faux, dans un sens œcuménique, si l’on considère que la parole échangée, discutée, travaillée, critiquée, est supérieure aux idées et aux dogmes. Faux aussi si l’on considère l’importance du rite pour juguler la violence.

De plus, la paralysie des doctrines et les poisons des idéalismes, utopiques ou non, sont de plus vraies vecteurs de guerre au cœur des religions que leur essence, sous l’angle de l’évolution des rites et celle des morales. Celles-ci sont sans cesse débattues en fonction des contextes rencontrés. Les relations entre religions et celles entre religion et contextes historiques et culturels sont plus riches que les éléments doctrinaux des clergés et des intellectuels. Les tissus ont plus de valeur que les fils isolés. Le Judaïsme, par exemple, a toujours maintenu la possibilité d’une herméneutique sans fin de ses textes et de son histoire. L’Islam et les religions orientales aussi, semble-t-il, mais je suis moins affirmatif. Quant au Christianisme, s’il a malheureusement succombé au dogmatisme inquisitorial, son explosion en maintes églises confirme l’impossibilité de l’enfermer dans une seule théologie ou une seule doctrine..

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Retournons donc aux figures divines exposées dans les articles précédents. Bon, d’accord, elles peuvent donner du sens par-delà les apparences et les paradigmes, à condition de se prévenir de tout dogmatisme et de tout fanatisme. À condition également de pouvoir leur permettre se tisser entre elles, de se féconder ou de surmonter les antinomies, de se nuancer les unes par rapport aux autres. Dialectique donc. Texte et textile marchent ensemble, écrit une théologienne juive que j’apprécie. Peut-on, à ce stade, réhabiliter quelque peu les théismes et les religions ? Je reste réservé.

En dehors de l’image négative ou des promesses qui peuvent transparaître derrière les figures divines décrites, ainsi que dans leurs possibles compositions ou leurs rejets, il y a un verrou qui m’empêche de m’y jeter naïvement. Que ce soit par les théistes, les déistes, les athéistes ou les agnostiques, la question de Dieu n’est abordée que sous l’angle du rapport réciproque entre notre monde et l’éventuel monde divin. Un seul axe interactif : un monde humain – un monde divin. Et j’ajoute : un axe beaucoup plus statique qu’on ne l’imagine, malgré des apparences d’histoires, de mythes, de légendes ou de discours intellectuels, scientifiques ou politiques. Chaque pôle se regarde l’un l’autre, Dieu ou les dieux d’un côté, notre monde de l’autre… soit, du côté humain, pour se croire épié et répondre par des jeux de culpabilité, de soumission ou inversement de blasphème, soit parce qu’on se dit aimé et protégé sous les ailes du l’aigle divin et qu’on répond par des chants ou des louanges. L’œil divin de la conscience morale -Victor Hugo-, l’œil divin du Cosmos, dans certaines cosmologies, ou l’œil bienveillant du Tout Puissant Éternel finissent par être pesants, lourds, écrasants. Pas de place pour un « tiers », pas de place pour un « chemin », pas d’espace, pas de temps.

Voilà où je coince pour l’instant, concernant une prise de position croyante ou non croyante, déiste, théiste ou athéiste. Au cours de la marche, je soulève deux lièvres qui dans leur course, me font entrevoir deux vallées non explorées. Deux directions nouvelles, si on préfère : d’une part, celle du « tiers », d’autre part, celle du « chemin commun ». Et là, le flux de ces vallées inexplorées m’a engagé dans une nouvelle aventure, parfois une course, qui m’ont emporté comme dans un ouragan ou comme dans un zéphyr. Chacun appréciera. Elles ont libéré de pertinentes raisons et d’enthousiasmantes sensations qui m’ont mené au tourbillon trinitaire.

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Illumination.

Il est délicat de parler de ses expériences personnelles. Elles sont subjectives, ai-je écrit initialement, et n’ont pas forcément valeur étendue. Cet aspect de la réflexion a donc été analysé. Toutefois, pour marcher, il faut s’appuyer sur le sol. Quand les expériences personnelles s’inscrivent dans des courants déjà vécus par d’autres, gonflés de la puissance du temps, des œuvres de l’histoire et de la culture, elles prennent une épaisseur, un poids, une consistance durable que n’auraient pas de simples intuitions sensibles et subjectives. Quand un poids prend de la vitesse, même dans les vents, il devient de la cinétique. Il se transforme en énergie cinétique.

Puisqu’il s’agit de « Trinité », qu’en est-il des « Credos » chrétiens, celui dit « Symbole des Apôtres » ou celui de « Nicée-Constantinople » ? Dans un prochain chapitre, j’indiquerai quelques réflexions que m’a indiqué la relecture historique. A priori, les Credos, tels qu’ils sont transmis dans les liturgies, ne m’ont pas ébloui, loin de là. Des formules anachroniques d’un autre temps. Plus tard, je les ai trouvées substantialistes, paternalistes, statiques, à l’exception des propositions qui concernent la kénose du Christ. Ils insistent lourdement sur le « salut ». Ils sont également historiquement, géographiquement et linguistiquement situés. La réduction conceptuelle me paraît également ambivalente, même si les théologiens parlent de « symbole » et non de concept. Les personnages divins, Père, Fils, Esprit, sont séparés dans les propositions de foi, et elles apparaissent très arbitraires. L’Esprit y est négligé. L’accent, surtout dans le Credo de Nicée, porte sur une ecclésiologie qu’à mes yeux, je trouve foireuse en raison de son vocabulaire d’un autre temps… On y retrouve l’axe unique que je dénonçais précédemment. Rien n’est dit de l’activité commune des trois « personnes » divines. La figure du Père et celle du Fils sont essentialisées et sont traités, indépendamment l’une de l’autre, comme si elles étaient des projections de nos propres rapports familiaux au sein de sociétés patriarcales. Dans un contexte féministe, elles sont fortement discutables.

Une théologie ajustée rappelle que les idées de « personnes divines » définissent des relations et non des entités en soi. On ne le ressent pas quand on lit les Credos. Je caricature à dessein. J’entends les Credos chrétiens comme justement ce que je ne supporte pas dans les présentations du mystère trinitaire. Cela dit, en les méditant, m’ont été révélées parfois à l’esprit de bien belles richesses cachées qui serviront par la suite (l’idée de process, de lumière, par exemple, ou celle d’engendrement) : mais il faut bien creuser sous les formules apparentes. Et à leur avantage, rappelons que les Credos demeurent les socles de maintes grandes confessions chrétiennes, par-delà les divisions et les guerres de religion. Il y a quelques exceptions, mais elles sont marginales. Il est donc prudent de ne pas proscrire les Credos a priori, même quand ils semblent bien conventionnels et obsolètes sous leur forme actuelle.

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Le Tout biblique.

Jusqu’à l’âge de 17 ans, je vivais dans un milieu théiste, religieux sentimental et marqué par des culpabilisations, dont le climat sémantique tournait autour des figures exposées précédemment. En même temps, ma famille était séduite, à son insu, par un scientisme et un culte des mathématiques dont les ressorts athées n’étaient pas démêlés de l’apparence inoffensive. J’étais ignorant d’un côté des dimensions sociales et politiques des pratiques et croyances religieuses, et de l’autre des paradigmes cachés des contenus scientifiques enseignés comme des savoirs divins tombés du ciel. Dans la famille de mon enfance, la philosophie était dénigrée et le travail de la raison se réduisait à la pratique de la logique formelle et de celles des mathématiques.

Et puis, je suis tombé gravement malade, ai connu des deuils tragiques… et l’absurdité de la souffrance innocente m’a explosé en plein visage ! Figure de Job, toujours. Mon imagination et mes pensées prospectives ont été parasitées de tout un tas de culpabilités, celles que ressent la victime quand elle devient à la charge de la société et de la famille. Les idées de péché, celles qui venaient des désastreuses séances du catéchisme de nos enfances, m’ont envahi et empoisonné l’existence et la confrontation à la maladie et au handicap… Les appels au pardon expéditif et à l’acceptation simplistes face à la douleur, sans réelle analyse des maux, au nom d’un amour racoleur de Dieu et de son prochain, rodaient comme des spectres ricanants. Les turbulences affectives liées à la maladie et le handicap ont perturbé et amplifié des sottises religieuses et spirituelles que j’avais reçues dans le milieu catho. Raison et sens de la justice, individuelle comme collective, interrogations existentielle et métaphysique étaient inexistantes et j’étais seul face à elles. Elles ont commencé à doucement émerger de ma méditation. Il me manquait les mots, le langage construit et les concepts pour les canaliser. Il fallait retrouver du discernement et de l’esprit critique. Il fallait s’interroger sur la prière et la méditation.

Il s’est produit à cette époque une première illumination. Elle a filtré paisiblement lors d’une retraite quelque part en Bretagne, tandis que j’étais malade et que je profitais d’une accalmie, avant de prendre une ampleur lumineuse quelques années plus tard. Illumination ou petite flamme qui a embrasé petit à petit les mousses et les brindilles accumulées par les alluvions de mes frustrations : mille excuses pour cette analogie qui évoque encore et toujours le flux et le mouvement. L’illumination initiale fut celle de la Bible. A-t-elle surgie des Évangiles, jusque là déformés par les liturgies de notre enfance qui bassinaient les oreilles d’extraits vidés de leurs contextes, et occasions de bavardages moralisateurs dans les sermons ? Peut-être. Mais pas vraiment. C’est le tout, que j’appellerai plus tard « organique », articulé sur un « logos » divin qui m’a impressionné. La Parole : elle avait d’autant plus de poids existentiel que je ne savais pas parler, comme bien des adolescents. L’ensemble biblique a été une révélation. Plus tard, lors d’un partage avec des novices jésuites, j’ai évoqué le fait que je préférais ce qu’on appelait « l’Ancien Testament » au « Nouveau Testament » que je trouvais trop réducteur, trop moralisateur et moins parlant d’un point de vue littéraire. Je ne pense pas avoir énormément évolué sur cette appréciation, à l’exception de la place singulière du personnage christique en tant que tel, dont la geste et la tragédie me fascinent plus que l’enseignement.

Le corpus biblique, un « méta-corps » même, est infiniment plus varié que les simplismes transmis par les catéchismes, relayé par des médias peu informés : il est humain, et souvent, dans ma vie, j’ai estimé que c’est parce qu’il est humain qu’il a réellement quelque chose à nous dire du divin, dans la ligne hégélienne que j’ai évoqué, et à propos du Livre de Job. Il est varié, habité, nuancé ou violent, passionné ou sage, attachant et agaçant, chargé d’histoires, d’Histoire, de mensonges et de manipulation, et surtout de vérité et de sens… Sens au singulier et sens au pluriel. Non vérité au sens de dogme, mais au sens de réalisme et d’expérience concrète. Et au cœur de cet ensemble (la Bible est une bibliothèque), il y avait le dévoilement d’une « alliance ». Alliance dynamique… sur un chemin.

Il est clair que sur le coup, je suis loin d’avoir perçu toutes ces dimensions. Toutefois, j’ai commencé à éprouver un réel agacement vis à vis des idolâtres, ceux qui font de la Bible un « livre saint » qu’il ne faut pas interroger, et vis à vis des « magiciens », ceux qui s’emparent de petits versets bibliques pour manipuler leurs auditeurs, sur le plan moral, religieux ou spirituel. Plus tard, lorsque j’ai étudié l’exégèse biblique, la théologie, la philosophie et l’histoire, l’univers biblique est devenu un objet de méditation, voire de contemplation et progressivement de structuration intérieure. J’y ai trouvé les mots qui manquaient. La musique, notamment celles des Passions de Bach, mais aussi celles de musiciens que j’ose colorer de « mystiques » (Mahler, Berg, Dutilleux, etc.), m’ont aidé à me dégager des pressions morales et théologiques.

À partir de maintenant, je désire commencer à approfondir l’idée « d’alliance », thème crucial qui va prendre ensuite toute sa consistance dans le mystère trinitaire, dans le tourbillon trinitaire… et dans notre participation à ce mystère.

La Bible n’est pas d’abord un face à face entre des hommes et des dieux, mais un florilège d’aventures qui se vivent dans une alliance, dans des alliances, dans d’étranges compagnonnages. Oh naturellement, il y a quelques face-à-faces entre Adonaï et différentes figures prestigieuses (vision de Moïse, lutte de Jacob, visions des prophètes, Transfiguration, etc.), mais ils ne sont jamais définitifs, jamais un but en soi. Une expression biblique rappelle que voir Dieu face à face, c’est mourir. Mourir ? Tout simplement, parce qu’elles figent. La vue fige. Mais la parole, elle, dynamise et remet sur pied les hypnotiques, fascinés par leur vision, et les invite à se remettre en route. Par delà les expériences individuelles, aux accents parfois sociaux ou politiques, se découvre une « alliance » sur un chemin bien plus risqué et bien plus aventureux que la vision initiale. Que l’alliance soit vécue comme un contrat, avec des engagements réciproques (la Torah peut être lue ainsi), n’est qu’un des aspects. L’alliance, comme concept et comme mode du process, est la matrice fondatrice de multiples alliances et de multiples chemins. Elle ouvre la vallée du « tiers » oublié dans la vision.

Dans un chapitre ultérieur, je développerai l’idée « d’alliance différentielle » qui m’a permis de donner sens à des dimensions bien au-delà de toute morale, politique et spiritualité individualiste. Au long des pages qui suivent, il faudra garder en tête le concept d’alliance, ouverte vers l’aventure, vers l’inconnu, vers le mystère. En effet, au risque de me répéter, il ne s’agit pas d’une alliance entre deux partenaires qui se font face statiquement, amoureusement ou peureusement, mais d’une relation explicite et réelle qui engage un chemin vécu et imprévisible, de jour et de nuit, dans le danger et parfois le repos et la confiance.

Curieusement, j’ai plusieurs fois expérimenté cette « alliance » mystérieuse, sur le Camino de Santiago, notamment lors d’une nuit où, épuisé, sale, le moignon en feu, frigorifié, j’ai soudain ressenti la présence d’une petite lumière qui m’accompagnait. Présence fugitive, mais réelle.

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Alliance et histoire.

« Le souvenir est mauvais historien », me disait un ami, autrefois. Ici, je ne fais part que d’une expérience première qui, avec les années, s’est enrichie, structurée, intériorisée, parfois s’est égarée, corrompue, s’est raidie, puis s’est approfondie. Souvent, j’ai cheminé dans le noir et maintes fois les étoiles étaient cachées par des nuages.

L’espace et le temps biblique sont les cadres de rencontres avec des personnages variés : certains sont extraordinaires, mais la plupart du temps, ils sont ordinaires, voire plein de défauts, de lâchetés, d’égoïsme… Il y a toutefois une constante : ils sont tous soit cassés par la vie, soit faibles et petits, parfois avec des défauts pas très acceptables à nos yeux. Moïse bégayait, David était le petit dernier de la famille et trompait sa femme, Jacob fuyait son propre mensonge, Sarah était stérile, Élie voulait se suicider, Jérémie déprimait, Rebecca était manipulatrice, Amos était colérique… Et même l’épopée du Christ Jésus s’est achevée sur un échec. Certains de ces personnages ont existé, sont connus et reconnus sans beaucoup d’incertitude par les historiens et les exégètes, d’autres sont moins accessibles et semblent appartenir à des traditions orales, certains même sont des constructions imaginatives et romanesques (Tobie, Job, etc.). Mais tous, ou presque, sont décrits à travers des engagements sur un chemin inconnu, ont fait face à des doutes et des combats qu’ils redoutaient. Parfois la référence religieuse est quasi absente, ou au minimum non apparente : je songe au personnage de Joseph, dans la Genèse, qui ne fait pratiquement pas référence à son Dieu.

Il est certain que je me suis retrouvé dans ces personnages et les expériences qu’ils vivaient. Il ne s’agissait pas de héros, au sens grec, latin, médiéval ou wagnérien du terme. Derrière ces histoires, que j’ai lues, relues, souvent méditées, se dessinaient des alliances mystérieuses d’hommes et de femmes avec un Dieu insaisissable, aux multiples noms… très très loin des images jupitériennes ou impériales transmises par les mondes grecs et romains, et reprises dans nombre de représentations de la Renaissance, du Baroque et du cinéma hollywoodien. Ce dernier aspect est incontestablement un de mes lieux favoris de méditation et de contestation des idolâtries, des magies et des cultes de la personnalité.

Une alliance : deux vivants inconnus l’un par rapport à l’autre qui cheminent ensemble vers l’ineffable, en essayant de se parler et de se comprendre. Nos projections gréco-romaines nous induisent dans l’idée que l’un des accompagnateurs, Adonaï donc ou autre figure divine, en sait plus que l’autre ! Mais est-ce si sûr ? Je n’en suis pas convaincu. La tradition kabbaliste de Luria, par exemple, n’hésite pas à l’affirmer : Dieu se soumet à la garde de l’homme, et la liberté qui peut conduire à la rupture est de plus en plus active, avec les dangers encourus. Il y a bien trois polarités : les deux accompagnateurs, l’un humain, l’autre divin, et le chemin où va s’opérer une nouvelle création. L’irruption du temps, de la durée, de la créativité s’est inscrite dans mon imaginaire, jusque là paralysé par la géométrie des abstractions et des idées génériques, qu’elles soient formalisées ou non.

La retraite initiale que j’évoque, était chrétienne. Le personnage du Christ Jésus était central. Je n’ai jamais eu un attrait affectif pour Jésus, comme on le ressent dans les spiritualités dominantes depuis le Dix-Septième Siècle et dans le romantisme religieux. Ma méditation, liée à l’expérience de la maladie, du handicap, du rejet par les valides, des assauts de la culpabilité et de l’angoisse, s’est centrée sur le Mystère Pascal, sur la Passion, la Mort et la Résurrection. Je connais le texte des Passions de Jean et de Luc par cœur. J’ai pris goût à la découverte de l’Évangile de Jean, sans savoir à l’époque les défauts qui lui étaient attachés : l’antisémitisme notamment. Anti-Judaïsme, plutôt, pour être cohérent avec l’histoire et ne pas sombrer dans l’anachronisme. L’idée du Logos, qui descend dans l’aventure humaine et dans le langage, puis ouvre sur l’épopée de l’Esprit, m’a fasciné. Elle explique certainement mon expression et ma dérive plus philosophique que religieuse. Je n’ai jamais été très religieux !

Les dimensions sociales, génétiques, organiques de la geste biblique se sont révélées progressivement à mon entendement et à ma sensibilité. Je suis devenu assez intolérant à l’égard de celles et ceux qui réduisent la Bible à quelques formules racoleuses et bêtifiantes, ainsi qu’à l’égard de celles et ceux qui se servent de son aura pour manipuler les « bonnes âmes », d’un point de vue moral ou rituel, voire d’un point de vue intellectuel. La Bible n’est pas un manuel fermé sur lui-même, mais un puits intarissable, une forêt inexplorée dont on ne connaît que la lisière et quelques bosquets, un océan aux profondeurs inconnues. C’est une parole et c’est une porte vers la vie de l’Esprit. Une de ses forces qui m’a beaucoup impressionné et illuminé, et que je crois sans équivalent dans la littérature (peut-être à l’exception de la tradition hindouiste et bouddhiste), c’est qu’elle est écrite par de nombreux écrivains, au cours d’une histoire chargée d’événements inattendus, au sein d’un même peuple souvent agité, et pas toujours uni… La consistance d’une vie commune et durable. Elle est humaine, diverse au sein d’une unité… ou unificatrice au milieu des diversités.

Ceci ne sautera pas aux yeux du lecteur, mais ma méditation trinitaire était engagée dans la contemplation du mystère de l’alliance. Elle s’est étoffée avec la découverte progressive, certes très fragile, du détachement de mon ego personnel par rapport à une épopée, une aventure qui me dépassait, me débordait, m’entraînait, entraînait le monde, sans me submerger, sans le submerger. Et cela, je le dois à la fois à Pierre Teilhard de Chardin d’une part, à divers autres philosophes et théologiens, de tradition juive, chrétienne occidentale ou orientale, sans omettre de multiples conversations, études, travaux et séminaires donnés que j’ai eu la chance d’offrir. Le souvenir est mauvais historien, ai-je écrit, par conséquent je crains d’en oublier et d’en surestimer certains… J’éviterai donc de les citer, sauf peut-être Pierre Teilhard de Chardin dont je vais dire un mot, maintenant.

Investigations trinitaires 12 : pourquoi la Trinité ? (suite) –

Récit d'un unijambiste
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- Difficultés et joies de la marche d'un handicapé physique -
Tome 1 : Voie du Puy (Édition Nicorazon)Tome 2 : Espagne (Éditions Lepère)

 

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